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30.09.24

Phenix, 10 ans d’engagement pour réduire le gaspillage alimentaire

       Plusieurs constats sont à l’origine de la création de Phenix : des tonnes de produits sont gaspillés tous les jours, des millions de Français veulent consommer mieux et la planète est à bout de souffle. C’est ainsi que Jean Moreau a cofondé en 2014 cette start-up de référence dans la lutte contre le gaspillage. A l’aide de différentes solutions digitales, l’entrepreneur incite les consommateurs, les commerces ou encore les associations à participer activement à la réduction du gaspillage. Rencontre.

Comment Phenix est-il né ?

Lorsque j’ai eu 30 ans, j’ai ressenti le besoin de mettre mes compétences au service d’une cause à la fois utile, noble et contributrice d’un point de vue social et environnemental. Je me suis donc attaqué à la problématique du gaspillage alimentaire, de la fin de vie des invendus et de la redistribution des produits en fin de parcours. C’est ainsi que nous avons créé Phenix, avec la volonté de connecter “ceux qui ont trop” (magasins, usines, fabricants) avec “ceux qui n’ont pas assez”. Nous ciblons principalement les consommateurs, les associations caritatives et les structures animalières (zoos, refuges, fermes). Nous promouvons l’économie circulaire en nous assurant que les produits ont une seconde vie et que la poubelle constitue une exception.

Pourquoi ce choix de vous concentrer sur le sujet du gaspillage alimentaire ?

Quand je me suis lancé, l’idée était de contribuer à rendre le monde meilleur. J’ai commencé à me tourner vers l’entrepreneuriat à impact en sondant plusieurs thématiques : le vivre-ensemble, l’éducation, la santé, le bien vieillir… Puis, je me suis intéressé au secteur des déchets : plastiques, cartons, et par ricochet, déchets alimentaires. En 2014, le sujet du gaspillage alimentaire gagnait peu à peu en visibilité. On sentait que c’était une tendance de fond. Par ailleurs, c’était aussi un gros marché, avec de grands acteurs historiques (Suez, Veolia…) qui faisaient de la collecte traditionnelle de déchets organiques. Il apparaissait comme une sorte de bon sens et d’évidence à faire en sorte que les produits aient une seconde vie plutôt que de les mettre en incinération ou en décharge. Mais il manquait quelque chose… L’innovation n’était pas forcément nécessaire : il fallait juste réintroduire du bon sens au cœur du système.

Le projet de création de Phenix s’imposait avec une logique sociale, en redistribuant de la nourriture aux plus démunis, mais aussi une logique environnementale, en intégrant une dimension zéro déchet dans nos missions. Évidemment, il y avait également un volet économique. Phenix est une entreprise : nous avons voulu incarner cette voie médiane à mi-chemin entre le business capitaliste traditionnel et le monde des ONG et des associations, et cela en nous appuyant sur la tech et le digital.

Justement, comment fonctionne Phenix concrètement ?

Pour déployer notre outil, nous avons opté pour deux solutions digitales. Une application grand public et une plateforme web, pour faire le lien entre l’offre à la demande, mais aussi faire le lien entre les gens qui ont des excédents et ceux qui recherchent des produits.

Phenix est une application mobile antigaspi qui a déjà été téléchargée 6 millions de fois depuis sa création en 2019. Les produits y sont promotionnés à -30, -40, -50, voire -70%. Grâce à cela, les consommateurs font un geste pour la planète, mais ils montrent également leur soutien aux commerçants en les aidant à valoriser leurs invendus. C’est également une façon de lutter contre l’inflation et de gagner en pouvoir d’achat : on peut économiser jusqu’à 200 euros par mois sur son budget alimentation en faisant ses courses ainsi !

Dans un second temps, ce qui n’a pas été vendu à prix cassé aux consommateurs est donné à des associations caritatives. Nous disposons donc également d’une plateforme numérique qui se rapproche d’une vente privée solidaire. Chefs de rayon et directeurs d’usine peuvent y proposer leurs invendus via une offre qui sera ensuite propulsée à toutes les associations du coin. Ces dernières peuvent se positionner et récupérer tout ou partie du lot en venant le chercher elles-mêmes.

Vous dites que, chez Phenix, chacune de vos actions est “solidaire et positive”. Quel est votre business model ? 

Nous transformons un centre de coût en centre de profit. Parce qu’aujourd’hui, gérer des déchets et des invendus a un coût pour les magasins. Ces derniers achètent des produits, les mettent en rayon et quand ils ne les vendent pas, ils doivent payer quelqu’un pour les détruire ou les mettre en décharge. C’est la double peine.

C’est là que Phenix entre en scène : premièrement, nous réduisons la facture. Lorsqu’un produit atteint J-2 de sa date limite, soit il est vendu à prix cassé sur l’application Phenix (dans ce cas, cela génère un chiffre d’affaires supplémentaire pour le magasin), soit il est donné à une association caritative. Dans ce second cas, le donateur peut récupérer 60% de la valeur en réduction d’impôts. Ainsi, au lieu de détruire et de payer pour détruire, le magasin donne – il en est fier – et y trouve un intérêt économique. De notre côté, nous prenons une commission pour organiser tous ces échanges. J’insiste donc : notre modèle repose sur un véritable volet économique. Personne n’agit ici simplement par altruisme, mais dans une démarche de développement durable… qui, en plus, peut générer des bénéfices.

À l’origine, notre principale voie d’écoulement des invendus, c’était le don alimentaire. Nous étions une sorte de banque alimentaire 2.0, plus digitale et moderne, qui gérait les invendus en circuit court et en temps réel. Mais si trop de paniers antigaspi sont vendus, il reste moins de produits voués à être distribués aux associations caritatives. Notre application a donc été créée en complément, pour nous assurer que la répartition entre les produits donnés aux associations et les produits revendus à prix cassés est juste.

Quels ont été les étapes et les défis que vous avez rencontrés lors du développement de Phenix en 2014 ?

Notre premier défi a été d’évangéliser un marché qui n’était pas encore mature (la première vraie loi anti-gaspillage n’est arrivée qu’en 2016 et n’a été mise en application qu’au 1er janvier 2017, alors que nous sommes nés en 2014). Nous sommes arrivés un peu trop tôt, mais cela a probablement contribué à nous donner une image de pionniers.

Le second, ça a été de faire prendre conscience à nos prospects et nos clients que le gaspillage était un sujet important, et pas juste un “nice to have”. Il a fallu expliquer à chacun que gaspiller, c’est détruire de la valeur sociale, environnementale, mais aussi économique. L’enjeu était donc de faire remonter ce sujet dans l’agenda stratégique et les priorités du management – entre autres – de tous les industriels.

Le troisième défi a été la conduite du changement, notamment au niveau du terrain. Car il peut y avoir un décalage énorme entre l’ordre qui est donné par le siège d’un gros magasin et son application dans l’entièreté des structures de la chaîne : il s’agit d’un véritable défi opérationnel. Mais notre initiative est toujours globalement bien reçue, puisqu’elle donne du sens au travail des équipes. Dans la grande distribution, personne n’aime jeter, contrairement à ce que l’on peut penser. C’était simplement un geste nouveau à adopter. 

« Phenix est une entreprise : nous avons voulu incarner cette voie médiane à mi-chemin entre le business capitaliste traditionnel et le monde des ONG et des associations, et cela en nous appuyant sur la tech et le digital. »

Et en interne ? Quels challenges avez-vous connus ?

Notre start-up a grossi très vite. Nous sommes passés de 0 à 20 millions d’euros de chiffre d’affaires en moins de 10 ans, mais aussi de 0 à 200 salariés. Chaque phase de notre croissance ne requiert pas les mêmes compétences. Au départ, nous avons recruté des “couteaux suisses”. Ensuite, nous avons créé un réel organigramme, des fiches de poste claires, des outils de reporting. Nos équipes ont évolué, il a fallu faire en sorte que chacun s’accorde sans casser notre culture et l’ambiance au sein de l’entreprise. C’est un défi, mais c’est aussi le rôle du CEO, en tant que chef d’orchestre, de faire en sorte que tout le monde joue la bonne partition.

Vous parliez précédemment du “sens”. Qu’avez-vous mis en place en interne pour fédérer les équipes, en plus du projet initial déjà engageant ?

Nous avons obtenu le label B Corp et il vient d’être renouvelé : cela prouve que nos standards de gestion, d’exécution et d’engagement sont forts. Par ailleurs, nous avons demandé et renouvelé notre agrément Esus (ndlr : Entreprise solidaire d’utilité sociale), qui porte sur la lucrativité limitée. Il inclut par exemple le plafonnement des dividendes pour les actionnaires et les investisseurs. Nous envoyons des signaux clairs sur le fait que nous faisons du business… Mais autrement.

Enfin, nous avons également mis en place des initiatives RH assez innovantes : création d’un congé paternité (avant la parution de la loi), congés menstruels, congés de proche aidant, don de RTT entre salariés, etc. Nous proposons également à nos collaborateurs de profiter d’une journée de congé payé par mois (“congé solidaire”) afin de travailler pour le compte d’une de nos associations. Tout cela contribue à la fidélisation de nos équipes.

Quels sont les piliers de l’ADN Phenix ? Ses valeurs ?

Le sens, encore une fois ! Mais aussi l’impact, la mission. Et la solidarité, qui est en lien avec tout ce que l’on fait. L’audace aussi, parce que nous innovons. Nous avons créé un modèle B2B entre les magasins et les associations caritatives, puis nous avons lancé notre application mobile, puis notre réseau de magasins partenaires… Il en a fallu, de l’audace ! Je pense que l’humour fait aussi partie de nos valeurs. Nous faisons les choses avec sérieux, sans nous prendre au sérieux. Enfin, la transparence nous est chère : nous partageons tous nos chiffres en interne et, très souvent, en externe. Nous souhaitons conserver cette culture de l’honnêteté.

Vous fêtez vos 10 ans cette année. Quel regard vous portez sur votre ascension, sur votre développement ?

Déjà, nous sommes très fiers. Nous avons sauvé plus de 400 millions de repas, soit un repas toutes les trois secondes. Nous avons créé une entreprise qui a de l’ambition, qui grossit et qui crée de l’emploi, mais tout en ayant une mission avec un impact concret et mesurable. On se dit toujours que cela aurait pu aller encore plus vite, mais notre histoire est déjà très belle. Et elle va continuer de l’être. Après avoir exploré le monde de la grande distribution, notre future bataille sera celle des avantages non-alimentaires. La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) interdit la destruction des invendus en pharmacie, parapharmacie, textile, jouets, produits d’hygiène, etc. A l’avenir, c’est là-dessus que nous allons travailler. Par ailleurs, nous prévoyons également de nous étendre à l’international, et notamment en Europe. Il est aussi possible que nous fassions l’acquisition d’autres entreprises.

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