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14.03.24

Frédéric Dufour : Quand Ruinart invente le futur du champagne

       Incarnation de l’art de vivre à la française depuis bientôt trois siècles, la Maison Ruinart ne cesse de se réinventer, accompagnant et anticipant les évolutions sociétales et environnementales. Le lancement récent de Blanc Singulier, un assemblage adapté au réchauffement climatique, démontre comment tradition et innovation peuvent s’entremêler sans rien céder à la qualité. Discussion passionnée avec Frédéric Dufour, président de Ruinart, sur la quête du luxe nouveau au sein de cette grande Maison.

Qu’est-ce qui vous a convaincu de rejoindre la Maison Ruinart ? Quelles ont été vos priorités stratégiques ?

J’avais décelé dans ce petit joyau un potentiel important, bien qu’endormi. J’ai saisi l’occasion de rejoindre la Maison Ruinart dès qu’elle s’est présentée ! Ma priorité a d’abord été de développer l’image et la désirabilité de cette Maison. Bien qu’elle jouisse déjà d’une reconnaissance produit remarquable, son image était perçue comme classique et vieillissante. J’ai décidé d’insuffler une dimension d’innovation en m’appuyant sur deux piliers de son ADN : l’art contemporain et le développement durable. Ma seconde priorité était une évidence : internationaliser cette Maison très française.

Ruinart fait partie du patrimoine français, elle incarne cet art de vivre à la française qui traverse les siècles. Quel regard portez-vous sur cette transmission ?

Chez Ruinart, la transmission revêt une importance cruciale, elle est ancrée dans notre histoire débutée en 1729. Cette année, nous fêterons nos 295 ans. 

Le temps long est essentiel, aussi bien en raison de notre longévité que du processus de production du champagne, nécessitant plusieurs années avant la distribution. Que nous soyons chef de caves, celui qui crée les vins, ou président, nous ne faisons qu’un passage éclair dans cette histoire. Nous sommes conscients d’être un maillon éphémère dans cette chaîne historique, mais cela constitue une motivation quotidienne. En incarnant l’art de vivre à la française, nous nous positionnons dans le créneau du « luxe nouveau » de LVMH, nous récupérons toutes les forces de la tradition mais en la modernisant. Notre enjeu est de trouver l’équilibre entre le moderne et l’intemporel, en restant ancrés dans notre savoir-faire ancestral tout en relevant le défi de la réinvention constante. Cela se manifeste à travers des éléments tels que notre flacon, qui conserve la largeur du flacon original du XVIIIe siècle tout en adoptant une forme contemporaine. Le lancement récent d’un Dom Ruinart repensé en 2022 illustre notre engagement envers l’innovation et la transmission. Ce champagne résulte de 12 années de travail, combinant l’expérience de plusieurs chefs de caves successifs, modernisant le vin tout en respectant la tradition. Cette responsabilité collective constitue notre quête et notre ambition.

La Maison est depuis des décennies très engagée en faveur de l’environnement et de la préservation de la biodiversité. Vous parlez de « Savoir (RE)Faire » à l’image de la nouvelle cuvée Ruinart Blanc Singulier, le futur du Champagne ?

Ce nouveau produit représente le point culminant d’un parcours axé sur la durabilité, une préoccupation ancrée dans la conscience des Champenois. Les équipes ont observé des changements dans la vigne depuis les années 90, intensifiés au cours des quinze dernières années. En 2014, la Champagne a été pionnière en matière de viticulture durable pour préserver la nature.

À mon arrivée, j’ai apporté une vision globale de la chaîne de valeur, initiant des changements fondamentaux tels que l’utilisation de packaging issu de forêts éco-gérées, la relocalisation totale de notre production en Europe, la transition vers des contrats logistiques plus écologiques, le recours à des énergies propres sur nos sites, et l’abandon des transports aériens, entre autres.

La stratégie de développement durable a pris une nouvelle dimension avec le lancement de « l’étui seconde peau » en 2015, notre emballage 100% recyclable et écoconçu, suivi de notre nouvel assemblage, Ruinart Blanc Singulier, en 2023.

Ruinart Blanc Singulier est l’aboutissement de cette réflexion face au changement climatique qui commence à altérer certains raisins, en fonction de l’exposition et du terroir. La vendange, avancée d’un mois à cause du réchauffement, soulève la question de la préservation du style de notre Maison, caractérisée par sa fraîcheur aromatique. Même dans notre subconscient, la fraîcheur et le réchauffement ne font pas bon ménage.

Pour créer Ruinart Blanc Singulier, nous avons décidé avec le chef de caves, Frédéric Panaïotis, de séparer les raisins les plus impactés, pour les élaborer différemment et imaginer ce que sera le Ruinart du futur. Le projet a été lancé en 2015, avec un premier assemblage, non commercialisé, en 2017 et il y a six mois la vendange 2018 a marqué sa première commercialisation.   

Nous nous engageons pleinement à redéfinir ce qu’est le luxe, en transformant nos habitudes, en nous réinventant. C’est un challenge bien sûr, car nous évoluons dans un monde économique, ce qui rend certaines transitions plus ou moins simples selon les sujets. L’équilibre à trouver est une crête avec de part et d’autre le bien pour la planète et la croissance de résultat. Nous croyons fermement que le luxe doit être bénéfique à tous les niveaux créant une valeur durable et partagée pour l’ensemble de notre écosystème.

Au-delà d’une nécessité absolue, le développement durable est également pour la maison Ruinart une source d’innovation créative. Quels rapports la marque entretient-elle avec l’univers de l’art ? Et de quelle manière utilisez-vous cette inspiration dans votre stratégie de marque ? (Collaborations…)

Le déclic, cette capacité à voir le développement durable comme un levier de créativité, a eu lieu chez moi quand Bertrand Piccard a fait le tour du monde avec son avion solaire. Auparavant, et probablement comme la majorité des gens, je considérais le développement durable comme une contrainte. Grâce à lui, de nombreuses personnes ont réalisé à quel point il pouvait être une source d’inspiration, une vision désormais partagée par les nouvelles générations.

L’art a toujours été ancré dans l’ADN de la Maison Ruinart. De l’art de vivre à l’art il n’y a d’ailleurs qu’un pas, que nous avions franchi dès 1896 car nous avons été à ma connaissance la première Maison de luxe à collaborer avec un artiste, Albert Mucha en l’occurrence. Cette tradition s’était quelque peu perdue et nous l’avons remise au goût du jour il y a une quinzaine d’années, orientant progressivement ces collaborations artistiques vers des valeurs de développement durable. Notre Carte Blanche 2023 avec Eva Jospin est ainsi un exemple de circularité extraordinaire puisque ses œuvres ont été créées à partir d’un matériau basique, le carton. Cela crée un très beau parallèle avec notre métier, qui consiste à fabriquer un produit d’excellence à partir de raisins qui ne sont pas les meilleurs pour la dégustation. On peut citer également Tomás Saraceno et son Aerocène, un ballon qui vole dès qu’il y a un degré d’écart entre l’air qu’il contient et l’air ambiant, illustrant l’impact qu’un degré peut avoir sur notre environnement.

Ces artistes sont des ambassadeurs de nos valeurs, communiquant ce en quoi nous croyons et contribuant à maintenir notre posture à l’avant-garde de l’innovation par leur sensibilité et leur positionnement dans le monde artistique. C’est à nouveau le cas grâce à notre Carte Blanche 2024, intitulée Conversations avec le vivant, qui regroupe 6 artistes venus de cinq continents et qui se déclare en faveur d’une conversation sur notre écosystème, riche d’une infinité d’approches, de regards créatifs, de savoirs.

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