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15.11.23

Antoine Hubert : Ynsect, du scarabée à l’assiette

       Antoine Hubert, co-fondateur d'Ynsect, présente l'engagement de son entreprise pour la production d'ingrédients alimentaires à base d'insectes, au service de l'humain, du climat et de la biodiversité.

Quelle est la genèse d’Ynsect ? 

Jean-Gabriel Levon, Fabrice Berro, Alexis Angot et moi-même avons créé Ynsect en 2011. Tous scientifiques et militants écologistes, nous avons rapidement pris conscience de la nécessité de trouver des solutions durables pour produire plus de nourriture avec moins de terres, de matières premières et d’eau. En effet, la lecture d’un rapport de la FAO nous a confirmé la nécessité, d’ici à 2050 d’augmenter de plus de 70% notre production alimentaire pour faire face au besoin de la population mondiale.

De plus, aujourd’hui les animaux d’élevage sont nourris essentiellement avec du soja génétiquement modifié, des céréales, des farines de volailles ou de poissons. En 2011, au moment de la création d’Ynsect, nous avons ainsi fait le choix du scarabée Tenebrio Molitor pour ses avantages nutritionnels et environnementaux : composé à 72% de protéines, il possède tous les acides aminés essentiels et est très digeste. Son élevage requiert 40 fois moins de terres et émet 40 fois moins de CO2 qu’un élevage de bœuf traditionnel, et consomme 30 fois moins d’eau qu’un élevage porcin.

Ynsect apporte ainsi une solution naturelle, saine et durable grâce à une protéine alternative. Nous développons une technologie de pointe pour élaborer nos fermes verticales et ainsi répondre aux grands enjeux de notre temps : nourrir la planète tout en luttant contre le changement climatique.

Quels sont pour vous les grands enjeux d’une alimentation et d’une agriculture plus durables ? 

Aujourd’hui, la crise climatique et la crise alimentaire ne peuvent plus être ignorées. La population mondiale devrait croître d’ici à 2050 pour atteindre 10 milliards d’êtres humains sur la surface de la planète. Il est donc urgent de trouver des solutions pour nourrir ces personnes et ce, avec seulement 5% de terres arables supplémentaires. De plus, les méthodes traditionnelles d’agricultures et d’élevages sont la première cause de la destruction de la biodiversité, notamment parce qu’elles accélèrent le phénomène de déforestation et de la surpêche (25% de la pêche mondiale est destinée à nourrir les animaux d’élevage). Notre système alimentaire actuel représente ainsi une véritable menace pour 86% des espèces vivantes sur la planète, considérées en danger. Aujourd’hui plus que jamais, il est donc primordial de trouver des solutions pour rendre nos systèmes alimentaires globaux plus sains, plus résilients et plus durables.

Comment Ynsect s’inscrit dans cette dynamique ?

Les insectes sont identifiés comme l’une des solutions pour parvenir à inverser la tendance. Notre solution, des ingrédients issus de la transformation de notre scarabée, permet par nature de pallier ces phénomènes. Parallèlement, nous travaillons à un processus zéro déchet, notamment grâce à la transformation des déjections de nos insectes en un fertilisant naturel très performant, qui peut ensuite être utilisé dans des grandes cultures.

Par ailleurs, nous produisons aujourd’hui des ingrédients qui sont vendus pour tous les marchés : animal, humain & végétal. Notre ambition est de véritablement réinventer la chaîne alimentaire en remettant à sa base l’insecte. Nos ingrédients présentent des bénéfices nutritionnels et environnementaux plus qu’intéressants, qui s’inscrivent dans notre stratégie d’impact global. Celle-ci se fonde sur l’amélioration de la santé humaine et animale, la protection de la biodiversité et la préservation des ressources naturelles (eau, forêts…).

Quelles innovations entendez-vous mettre en place dans les mois et les années à venir pour accroître encore votre impact ? 

Dans les prochains mois, notre nouvelle ferme va ouvrir ses portes à Amiens. Ce nouveau site est la plus grande ferme verticale au monde avec ses 45 000 m² (soit l’équivalent de 6 stades de foot) et 36m de haut. Elle possède toutes les dernières technologies telles que l’intelligence artificielle, la robotisation ou la vision par ordinateur, protégées par plus de 380 brevets. Elle adressera les marchés pet food et nutrition végétale. A cet effet, nous avons déjà vendu les premières années de production à hauteur de plus de 200 millions de dollars.

Dans les prochaines années, nous prévoyons de nous étendre encore, notamment par le biais de JVS et de licences avec des acteurs internationaux de premier plan qui pourront nous aider à accélérer notre développement grâce à leur connaissance des marchés. A cet égard, nous avons signé deux lettres d’intention avec Ardent Mills (USA) et Corporativo Kosmos (Mexique).

À quelle échelle de temps envisagez-vous que les insectes puissent se démocratiser dans l’alimentation des Français ? 

Aujourd’hui, c’est 1 homme sur 4 qui consomme des insectes quotidiennement dans le monde. Ces derniers ont disparu de nos habitudes alimentaires occidentales. Ils y étaient particulièrement présents jusqu’à la fin du Moyen-Âge, et étaient considérés comme des mets de fastes. Aujourd’hui, nous travaillons à les réintroduire sous forme de protéines et d’huiles, pour apporter une alternative aux protéines traditionnelles. C’est un travail d’abord de pédagogie auprès des populations. Nous savons que cela prendra du temps, même si avec la globalisation et les voyages, les habitudes alimentaires changent plus vite. En 2022, une étude réalisée par OnePoll en France, UK, USA et Pays-Bas démontre que 96% des personnes ayant déjà goûté des insectes ou des produits à base d’insectes se disent prêtes à réitérer l’expérience. Cette démarche s’explique notamment par la compréhension des enjeux de notre époque, et des bienfaits santé et environnementaux de nos ingrédients.

Quels sont les acteurs autour de vous pouvant vous aider à accélérer la dynamique et à convaincre les consommateurs ?

Pour réussir à faire de l’insecte un ingrédient à part entière dans notre alimentation, nous travaillons avec tous les acteurs de la chaîne : avec l’IPIFF (syndicat des éleveurs d’insectes) pour porter notre voix auprès des politiques européennes, avec les acteurs de l’industrie agro-alimentaire pour qu’ils incorporent progressivement nos ingrédients à leurs produits (dans des barres protéinées, des shakes mais aussi des substituts de viande, des granolas, etc.), avec les consommateurs également en répondant présent à toutes les opportunités que nous avons pour leur expliquer notre activité et ses bienfaits (le salon de l’agriculture par exemple). Nous travaillons également avec l’écosystème agri-tech pour démocratiser de nouvelles alternatives, avec nos investisseurs, avec les pouvoirs publics, etc. Il n’y a qu’ensemble que nous réussirons le pari fou de faire de l’insecte une véritable alternative.

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