Interview#1
Lyon, repenser une métropole à la confluence des attentes sociales et environnementales
Nommée première Vice-Présidente de la Métropole de Lyon par l’écologiste Bruno Bernard en 2020, Émeline Baume possède un portefeuille particulièrement large, couvrant à la fois l’économie, le numérique, l’innovation en passant par la politique d’achats publics. Si elle s’est d’abord engagée au sein des collectivités territoriales sur les sujets de démocratie participative, d’enseignement-recherche et d’agriculture, elle œuvre aujourd’hui à la transition écologique d’un territoire qui repense son attractivité.
Le territoire lyonnais est extrêmement dynamique du point de vue économique à l’échelle nationale et européenne, sur quels atouts et singularités repose cette vivacité ?
Historiquement, ce territoire s’est développé autour du Rhône, plus tard autour de l’industrie de la soie, de l’industrie chimique, tout cela adossé à un capitalisme familial.
Par ailleurs il bénéficie de certains atouts spécifiques, en premier lieu d’une très large communauté de l’enseignement et de la recherche, avec 180 000 étudiants et une grande diversité de laboratoires et d’universités. Ceux-ci travaillent à la fois dans les domaines de la santé publique, environnementale, mais aussi de la transition écologique, comme les matériaux, l’énergie, la mobilité, la chimie, sans oublier les sciences humaines.
Un autre atout réside dans la diversité des acteurs économiques : des industriels dans divers domaines, mais aussi des commerçants et artisans. Une diversité qui a permis à ce territoire de résister au moment de la crise sanitaire et qui fait sans doute sa résilience au gré des crises.
Enfin, et on l’oublie très souvent, le cadre de vie, ce que l’on appelle les aménités, sont essentielles pour recruter et fidéliser des femmes et des hommes, des talents et des compétences.
Quels sont les défis actuels pouvant freiner ce dynamisme ?
Nous faisons actuellement face à différentes crises et défis. Le premier est d’abaisser l’impact carbone du territoire à travers plus de sobriété et d’efficacité énergétique, notamment pour les processus productifs.
Il y aussi le défi de l’inflation, qui touche le prix des matières premières. Cela impacte les acteurs du bâtiment, des travaux publics et de l’alimentaire. Il est nécessaire de produire avec moins et donc de faire de la R&D. Il faut développer l’économie circulaire, se tourner vers les matières géo et biosourcées et favoriser le réemploi.
La troisième crise est celle du recrutement. Nous sommes un territoire où il y a beaucoup d’offres d’emploi, mais aussi des entreprises qui doivent entamer une bifurcation écologique pour attirer des jeunes talents, des compétences et les fidéliser.
La Métropole de Lyon est une collectivité territoriale avec de larges compétences, comment sont-elles mobilisées pour développer le tissu économique de manière transversale ?
La Métropole est à la fois un département, qui a des compétences sociales très fortes et très lourdes budgétairement, et une ex-communauté urbaine, qui gère des éléments essentiels au quotidien, comme l’accès à l’eau potable, la gestion de l’assainissement, la collecte des déchets, les espaces publics, les logements sociaux par exemple.
Nous travaillons donc sur les aménités qui bénéficient finalement aux acteurs économiques, en créant une « ville du quart d’heure », où les collaborateurs peuvent vivre, investir un environnement sportif, culturel, tout en essayant de conserver des activités productives dans le centre-ville. Nous investissons par ailleurs énormément dans la régénération de zones industrielles, car nous voulons lutter contre l’artificialisation des sols.
Enfin, nous faisons en sorte que les acteurs économiques puissent davantage et mieux accueillir les femmes et hommes en parcours d’insertion. Un travail est fait au travers notamment de l’achat public, dans la mesure où la Métropole achète pour plus de 3,6 milliards d’euros.
Comment le nouvel exécutif de la Métropole conçoit-il la notion d’attractivité ?
Pour nous, un territoire attractif a pris le tournant de l’abaissement de l’impact carbone et de l’augmentation de l’impact social. Ce dernier ne consiste pas seulement pas à créer des emplois en CDI, c’est aussi faire évoluer nos organisations du travail, répartir équitablement la valeur produite au sein d’une entreprise, faire la place aux séniors, aux jeunes, aux femmes dans les instances de décision.
Il s’agit de favoriser des entreprises qui sont adaptées aux enjeux du moment, ont l’intelligence de pivoter dès qu’il le faut, misent sur l’humain pour répondre aux enjeux environnementaux mais aussi de sens, de justice, et donc derrière, de produire ce dont nous avons besoin à l’échelle de notre territoire, régionale, nationale et européenne.
Un outil traduit bien notre approche : « l’outil de mesure d’impact » à 360 degrés, cocréé avec les entrepreneurs, qui permet d’avoir une analyse globale. Il prend en compte à la fois, l’inclusion et la justice sociale, la soutenabilité économique, la viabilité environnementale, la santé et le bien-être au travail ou encore la gouvernance.
“Pour nous, un territoire attractif a pris le tournant de l'abaissement de l'impact carbone et de l'augmentation de l'impact social”
Comment accompagnez-vous la transition écologique des entreprises et industries du territoire ?
Nous avons développé une batterie d’outils, notamment un fonds d’amorçage industriel à impact, commun avec la Métropole de Saint-Etienne, car nous sommes convaincus que la bifurcation écologique se fait d’abord et avant tout avec les acteurs productifs.
Nous avons fait le choix de co-investir dans des jeunes entreprises innovantes qui répondent à des besoins du territoire : c’est un vrai signal qu’on donne à la jeunesse et aux acteurs industriels.
Par ailleurs, pour faire évoluer les pratiques des entreprises, notamment en termes de logistique et de mobilité, par exemple dans le cadre de la mise en place de la zone à faible émissions (ZFE), au-delà des aides classiques, nous aidons les PME/TPE dans leurs diagnostics mobilité et énergie.
Enfin, nous avons monté un programme d’accélération pour des porteurs de solutions d’économie circulaire. Tous les ans, nous accompagnons une vingtaine d’entreprises, dans les domaines de l’alimentaire, du bâtiment, des travaux publics, des textiles.
Comment imaginez-vous le territoire dans 10 ans ?
Un premier cap à passer est celui, à 3 ou 5 ans, de la crise de l’énergie et des matériaux qui impose plus d’efficacité énergétique, de sobriété et d’économie circulaire.
Je vois un deuxième cap avec la jeunesse qui est très net. On ne peut pas se dire décideur, qu’on soit entrepreneur, élu local, national, parlementaire, si on ne se préoccupe pas des envies d’agir, du rapport à la vie professionnelle et à la vie en général de la jeunesse. Il faut essayer de comprendre les déterminants de ses décisions.
L’enjeu est d’embarquer la jeunesse pour garder des modèles soutenables, au-delà du modèle économique, faire pivoter nos organisations afin de répondre aux besoins du quotidien : s’alimenter, se loger, se former, s’éduquer.
La jeune génération est très concernée par le sujet d’internet, souffre de sur sollicitations, elle peut être décentrée de ses besoins essentiels. Je n’en veux pas à la jeunesse de ne pas être très politisée car il y a un sujet de nécessaire refonte de notre démocratie, cependant je pense qu’il est important de s’exprimer d’une façon ou d’une autre, d’expérimenter des choses. Pour moi, il faut leur autoriser des espaces d’expression, ou d’expérimentation (parcours de formation, de nouvelles formes d’entrepreneuriat, des espaces publics, lieux d’habitation).
On parle beaucoup du vieillissement de la population, mais pour moi, notre territoire sera juste si dans les 5 ou 10 ans à venir, il a réalisé des actes concrets avec la jeunesse.
Interview#2
L’attractivité au service du territoire et de ses transformations
Bertrand Foucher a été nommé en mai 2022 à la tête de l’ADERLY, agence de développement économique de la région lyonnaise. Il exerce durant 20 ans dans le conseil et l’appui à la transformation stratégique d’entreprises chez Capgemini et Accenture, et fort de son intérêt pour les enjeux territoriaux et l’entrepreneuriat social, il rejoint en 2017 le projet d’expérimentation Territoire Zéro Chômeurs à Villeurbanne (Rhône). Il revient sur les missions de l’ADERLY et sa nouvelle feuille de route.
Comment fonctionne la gouvernance de l’agence et sur quel périmètre intervient-elle ?
L’agence a deux coprésidents et un conseil d’administration assez pluriel. Il comprend à la fois des organisations professionnelles, dont le MEDEF, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), la Chambre des Métiers et de l’artisanat (CMA), et des grandes entreprises, notamment internationales, implantées sur le territoire. Côté collectivités, si la Métropole de Lyon est le principal mandant et assure la co-Présidence de l’Agence aux côtés de la CCI Lyon Métropole Saint Etienne Roanne, nous travaillons à une échelle qui est celle du bassin économique et donc plutôt de l’aire urbaine, en incluant les territoires voisins, comme la Plaine de l’Ain, les Portes de l’Isère, l’Ouest Lyonnais et jusqu’à la métropole de Saint-Etienne.
Sur ce territoire élargi, quelles sont les missions et outils spécifiques de l’ADERLY ?
L’ADERLY a été l’une des premières agences de développement économique en France. Avec quasiment cinquante ans d’existence, elle a fortement contribué à l’’aménagement du territoire dans un premier temps puis au développement de l’attractivité de la métropole lyonnaise. Le travail des quarante collaborateurs s’incarne dans deux programmes.
En premier lieu, ONLYLYON Invest qui vise à promouvoir les atouts économiques du territoire, les filières d’activités clés, pour encourager les entreprises à s’implanter et les accompagner dans cette implantation. Concrètement, nous avons d’une part des spécialistes de filières d’activités, dans leur secteur en France et à l’international, et d’autre part des services d’accompagnement d’implantation, sur la dimension foncière, immobilière, et pour l’accès aux ressources humaines. Ce programme a accompagné à peu près six cents entreprises depuis dix ans, et c’est entre dix et douze mille emplois directs, toujours existants sur le territoire qui ont pu être générés par cette action.
L’agence est également opérateur du programme de marketing territorial, ONLYLYON. Cette marque fédère tous les acteurs du territoire et représente une démarche collective, car un très grand nombre d’acteurs y sont associés : 13 fondateurs, vingt-sept mille ambassadeurs qui incarnent le territoire en France et à l’international et également des entreprises, des organisations professionnelles… Cette marque, qui traduit la culture locale du faire ensemble, a fêté ses quinze ans en 2022, avec de nouvelles valeurs autour de l’audace, de l’humanisme et de la coopération, ainsi que d’une nouvelle promesse, « agir ici, changer demain », nous y reviendrons.
Vous parlez de la promotion des atouts économiques du territoire lyonnais, quels sont-ils ?
En premier lieu, la diversité de son tissu économique et industriel. Il est courant de dire ici que la soie est la mère de toutes les industries car derrière cette activité historique un écosystème d’industries extrêmement différentes a émergé. Le tissu est aujourd’hui très diversifié, à la fois dans l’énergie et la chimie (la vallée de la chimie, actuellement en pleine transformation) mais aussi le domaine de la santé, des biotech. L’industrie manufacturière dans les équipements industriels est aussi très présente, avec comme premier employeur local Renault Trucks, qui fait partie de l’histoire française.
Il y a par ailleurs une diversité dans la nature des entreprises, des grands groupes français ou internationaux ; des unités de production ; des sièges recherche et développement, des centres de distribution ; mais également tout un tissu de PME et TPE. Parmi les grands groupes on retrouve Adecco France, Biomérieux, Sanofi Pasteur, mais aussi l’un des leaders de l’évènementiel, GL events.
Il faut souligner que les acteurs sur le terrain sont intégrés à des écosystèmes très denses qui intègrent largement le monde de la recherche. Par exemple, les Hospices civils de Lyon sont parties prenantes de nombre de partenariats public-privé. Globalement nous avons un des environnements les plus denses en France en termes de clusters et pôles de compétitivité (tels qu’Axelera, Polyméris, Techtera, clusters Lumière, Digital league ou Indura).
Enfin, il existe un écosystème de start-up, de lieux d’innovation technologiques ou territoriaux. Le territoire est très en avance sur les questions d’entrepreneuriat social avec plusieurs incubateurs, comme Ronalpia ou le Centsept.
“J’ai la conviction que nous construisons en Europe comme à Lyon, un territoire où les transformations vont être facilitées, mieux accompagnées”
On voit que le territoire est très attractif, comment la nouvelle feuille de route de l’agence adapte cette attractivité aux enjeux de demain ?
Il faut d’abord rappeler que l’attractivité est au service du territoire. La question aujourd’hui est celle de la résilience, comment faire de Lyon un territoire qui résiste aux crises auxquelles nous sommes, et nous serons confrontés ?
Pour des métropoles comme Lyon, la rareté du foncier, ou l’accès aux talents, aux compétences, pour les entreprises sont des enjeux de premier plan. Aujourd’hui s’ajoute la question de l’énergie, une vague d’électrification arrive, et les besoins sont grands en termes d’énergie décarbonée, si possible compétitive.
Dans cette équation, qu’est-ce qu’un développement économique équilibré ? Nous essayons d’avoir une prospection sélective, nous investissons les questions d’énergie décarbonée, de santé globale, c’est-à-dire pas uniquement les biotech, mais aussi des opérateurs dans l’alimentation par exemple. Sur le numérique, nous prenons en compte la question du numérique responsable autour de la souveraineté, mais aussi de l’inclusion.
Nous adaptons également notre accompagnement, ce qui nécessite d’être beaucoup plus fins et en relation avec tous les acteurs. Il y a une forte attente de coopération de la part des territoires voisins et l’ADERLY est le lieu où les territoires non métropolitains se retrouvent et peuvent imaginer ensemble des politiques et des stratégies de développement économique concertées.
Je remarque aussi que les enjeux auxquels nous faisons face sont partagés par les autres grandes métropoles européennes. Nous échangeons régulièrement au sein d’un réseau européen des agences de promotion des investissements avec Helsinki, Copenhague, Berlin, Francfort par exemple, qui partagent les mêmes problématiques.
Justement, travaillez-vous à un recentrage européen ?
Nous avons, dans le cadre de ce réseau européen, lancé une campagne Choose Europe, qui met en avant les valeurs européennes à destination de cibles mondiales. Nous faisons la promotion des droits humains en Europe, de la protection des données, de la coopération, de la diversité afin d’affirmer un leadership mondial dans le développement durable.
Les premières étapes de notre campagne se sont déployées en Amérique du Nord pour rappeler que le continent européen n’est pas le « Vieux Continent » mais le « Nouveau continent », celui qui incarne un modèle de développement et de vie souhaité par la plupart des citoyens du monde.
J’ai la conviction que nous construisons en Europe comme à Lyon, un territoire où les transformations vont être facilitées, mieux accompagnées. Elles auront un impact très fort sur le monde, sur le nombre d’emplois, mais aussi localement sur la qualité des emplois, la qualité de vie des citoyens ou encore l’impact environnemental. Par exemple, dans le modèle de développement des talents, nous adoptons une vision très large pour attirer des experts internationaux tout en défendant un modèle de développement inclusif en lien avec les politiques sociales et d’insertion. C’est, en filigrane, ce qui est promis par notre marque ONLYLYON « agir ici, changer demain ».
Interview#3
Découvrir Lyon autrement, lumières sur un tourisme revisité
Virginie Carton travaille depuis 20 ans pour l’Office du tourisme de Lyon dont elle a pris la direction générale en octobre 2021. Elle revient avec nous sur le virage pris par l’institution pour garantir un tourisme plus responsable.
Quel est le modèle de gouvernance et les missions de l’Office du Tourisme ?
Nous sommes métropolitains, rattachés à la Métropole de Lyon du fait de sa compétence en développement économique avec pour territoire de jeu les 59 communes. En termes d’attractivité nous rayonnons donc au-delà de l’hyper centre de Lyon et nos missions consistent à répartir les visiteurs sur la totalité de ce territoire.
Nous avons un financeur public principal (la Métropole) et des partenaires privés, et parmi nos 600 adhérents, on retrouve la plupart des hôteliers, des restaurants, des prestataires touristiques, la cité des Congrès ou Eurexpo. L’enjeu est de faire se rencontrer l’ensemble de ces acteurs afin qu’ils puissent travailler collectivement.
Pourriez-vous nous décrire les objectifs du nouveau Schéma du Tourisme Responsable et durable ?
Le schéma, qui court sur 2021-2026, structuré en 4 axes principaux, a été voté par le Conseil Métropolitain à l’unanimité en décembre 2021, après une réflexion concertée avec l’ensemble des acteurs. On parle souvent d’une démarche « à la lyonnaise », quand sur un intérêt commun, public et privé, élus de bords différents, convergent, dans notre cas pour dire qu’il faut garantir un développement économique, tout en essayant de diminuer l’empreinte environnementale et en développant des actions sociétales.
Nous souhaitons en premier lieu demeurer une destination résiliente et équilibrée, c’est-à-dire préserver l’équilibre entre le tourisme d’affaires et le tourisme de loisirs, respectivement 65% et 35% des nuitées hotellières, et répartis entre la semaine et le week-end. L’intérêt est d’avoir des flux de visitorats tout au long de l’année, un mix qui a permis une bonne résistance de notre modèle touristique durant la période de pandémie. La résilience vient aussi du fait que nous sommes moins dépendants que d’autres destinations de la clientèle étrangère.
Nous priorisons aussi le soutien à l’emploi, 40 000 dans le tourisme, avec des qualifications très diverses. Alors que le secteur est actuellement en tension, nous accompagnons les socio-professionnels, souvent des TPE, en proposant des solutions pour améliorer leurs pratiques. Nous mettons également en place des opérations de soutien au recrutement auprès des étudiants, un Festival des métiers du tourisme, et travaillons sur des modes de recrutement innovants.
Un travail est aussi mené pour accélérer la transformation des pratiques pour un tourisme plus vertueux. Lyon a ainsi obtenu en 2019 le titre d’European Capital of Smart Tourism. Nous avons rejoint des index de classement, comme le Global destinations sustainability index, qui prend en compte 150 critères exigeants en termes de RSE. Vis-à-vis de nos adhérents, nous avons mis en place un fonds dédié de 295 000 euros pour accompagner les socio-professionnels et nous prenons en charge le coût de certification des éco labels reconnus.
Enfin, nous voulons garantir un tourisme inclusif et respectueux. Sur ce dernier volet, nous travaillons par exemple avec les habitants des Traboules. Les Traboules lyonnaises sont des passages aménagés, qui relient les rues entre elles dans le quartier Renaissance, à travers des cours d’immeubles. Une spécificité lyonnaise ! Ces passages sont normalement privés mais une convention existe depuis 1998 qui permet de les emprunter librement. Ainsi nous donnons accès à des sites normalement inaccessibles, et en même temps nous déployons une équipe de jeunes en service civique pour que les visiteurs respectent le lieu et les habitants. En matière d’accessibilité, nous organisons deux fois par an une journée « visiter Lyon » durant laquelle toutes nos visites sont gratuites.
Quels sont vos outils pour amener le public à rayonner sur tout le territoire ?
Nous avons réalisé une identification de l’ensemble de l’offre, et cela est d’autant plus pointu que nous ne pouvons pas décider en amont de ce qui intéressera un Italien à Lyon par exemple ! Nos questionnements sont plutôt les suivants : comment va-t-il s’y rendre ? La question des mobilités constitue un enjeu central et nous travaillons spécifiquement sur ce sujet avec l’opérateur des transports, le SYTRAL.
Pour assurer un rayonnement sur l’ensemble de l’agglomération nous suggérons des itinéraires bis. Mais ce n’est pas simple car cela implique de tenir un discours différent de celui de la demande. Concrètement, nous travaillons avec une quarantaine de points d’accueil labelisés sur l’ensemble de la métropole (camping, musée, brasserie…) que nous formons à un discours touristique responsable.
« Le vrai sens du développement touristique aujourd’hui, c’est un intérêt commun, si l’on n’agit pas dans l'intérêt des habitants, cela ne fonctionne pas »
Avez-vous une offre spécifique pour faire visiter Lyon aux Lyonnais ?
Nous avons développé une marque qui est aussi un média gratuit, en français et anglais, qui s’appelle « à la lyonnaise » où l’on recense des évènements et attractions sur l’ensemble du territoire, pour les visiteurs et les lyonnais. Nous mettons en avant la gastronomie, nos espaces verts, mais aussi des territoires associés, comme le Beaujolais par exemple, car si nous souhaitons faire rester les gens plus longtemps, il faut qu’ils puissent rayonner au-delà de la métropole.
Comment favorisez- vous l’acceptabilité du tourisme ?
Le vrai sens du développement touristique aujourd’hui, c’est un intérêt commun, si l’on n’agit pas dans l’intérêt des habitants, cela ne fonctionne pas. Nous avons mis en place un espace de consultation en ligne. Les habitants sont interrogés sur leur vision, positive ou négative du tourisme. Nous analysons le « ressenti touristique », quartier par quartier, pour savoir si les habitants perçoivent le tourisme comme un avantage ou un inconvénient sur les plans économique ou culturel. Globalement les Lyonnais sont fiers d’accueillir des visiteurs étrangers, et sont dans une démarche d’hospitalité.
Lyon a aussi des emblèmes puissants, comme la soie, les Lumières, ou la gastronomie, comment les faites-vous évoluer ?
Côté gastronomie, nous avons créé il y a maintenant 10 ans un label certifié pour les bouchons lyonnais qui référence les plats présentés, l’usage de circuits courts, le fait maison, avec 25 restaurants dans la démarche actuellement. C’est un vrai outil de promotion et une histoire que l’on perpétue dans un cercle vertueux. Aussi, la gastronomie ce ne sont pas que les 3 étoiles, à Lyon vous pouvez très bien manger dans de la bistronomie, voire des food court, tenus par des établissements qui s’engagent, sur la gestion des déchets ou une embauche inclusive, comme Food Traboule.
Pour la Soie, au-delà de toute l’histoire des Canuts, et des quelques tisserands qui travaillent encore à Lyon, l’héritage, ce sont également des tissus techniques, des produits dérivés à haute technologie. Le plus grand festival consacré à la soie en Europe, nommé Silk in Lyon, a lieu tous les ans et met à l’honneur des exposants régionaux, et des démonstrations de savoirs faire locaux.
Sur l’emblème de la lumière, nous avons bien sûr la Fête des Lumières, un moment qui est relié à notre histoire. Toujours gratuit, populaire, très familial, avec une offre pour les enfants et les publics fragiles, a su s’adosser à une vraie tradition locale. C’est aujourd’hui un festival renommé, qui, compte tenu des technologies que l’on peut utiliser, est assez raisonnable en termes de consommation énergétique.
Comment appréciez-vous tous les changements qui sont à l’œuvre dans votre domaine ?
Notre métier est confronté à des paradoxes, car fondamentalement les visiteurs se déplacent, ce qui peut générer des émissions. Notre grand défi, c’est de rendre ces nouvelles offres au moins aussi attrayantes que les précédentes, de recréer un récit et un imaginaire différent sur le voyage, et de lui redonner du sens.