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26.10.22

Mulhouse : territoire multiculturel d’avant garde

       Capitale administrative du Haut-Rhin, ancien bassin industriel de premier plan, Mulhouse se réinvente pour relever les défis de ce début de siècle. Intégration sociale, délibération citoyenne, développement de l'écosystème numérique, les acteurs sportifs, politiques et économiques agissent de concert pour animer le territoire, au delà parfois de ses frontières naturelles afin de proposer des approches innovantes et ambitieuses.

Alain Cheval

Président du Club des Scorpions de Mulhouse
« Le club des Scorpions apporte un dynamisme sportif et un lien social sur tout le territoire »

Bruno Fuchs

Député de la 6ème circonscription du Haut-Rhin
« Le député doit être une impulsion décisive afin de réunir les différentes parties prenantes d’un territoire »

Patrick Rein

Cofondateur et directeur général de KM0
« Ce bâtiment a vocation à devenir le centre régional de l’innovation, du numérique et des technologies »

Interview#1


Le sport vecteur de lien et de cohésion territoriale

Le sport est l’un des leviers principaux d’attractivité et de notoriété pour un territoire. Au-delà de l’image qu’elles peuvent renvoyer à l’échelle locale ou nationale, les associations sportives sont aussi un outil précieux et puissant pour favoriser l’harmonie entre générations et promouvoir la cohésion sociale. Dans ce cadre A priori(s) a interviewé le président du Club de Hockey de Mulhouse. 

Comment la ville de Mulhouse s’est dotée d’un club de Hockey sur glace ? 

Cela fait maintenant plus de 50 ans qu’il y a du Hockey à Mulhouse même si la pratique « officielle » naît en 1969, au sein de l’ASGM (Association des Sports de Glace de Mulhouse). L’origine est certainement liée à l’existence d’une patinoire extérieure à l’époque.  En 1986, l’inauguration de l’actuelle patinoire olympique donne enfin aux hockeyeurs mulhousiens une infrastructure leur permettant de pratiquer sérieusement leur sport et de rêver à faire de Mulhouse une place forte du hockey national. Les années suivantes, sous l’impulsion de divers dirigeants et de bénévoles, l’effectif du club ne cessera de s’étoffer, accueillant et formant des jeunes hockeyeurs de la catégorie poussin à cadet, passant de 70 à la fin de la saison 1989 à 120 licenciés fin 1991. L’histoire des Scorpions, elle, est plus récente et date de la fin de la saison 1996-97 et de la séparation du club en deux entités pour faciliter la progression vers l’élite : 

  • le HCM qui concerne uniquement le hockey professionnel à travers les Scorpions ; 
  • l’ADHM pour continuer la tâche formatrice pour le hockey mineur.  

Vous avez pris vos fonctions en 2020, comment devient-on Président d’un Club de Hockey ? 

Pour être précis, c’est d’abord un mélange entre passion et concours de circonstances. Si je suis journaliste de métier (ndlr journaliste « Fait divers » aux Dernières Nouvelles d’Alsace), j’ai toujours été proche du monde du Hockey. J’ai d’ailleurs participé à la création en 1999 de la société Synerglace, leader aujourd’hui sur le marché de la location de patinoires fixes et mobiles, qui est aussi un sponsor de Ligue Magnus (naming), le plus haut échelon du Hockey sur glace en France. Philippe Aubertin, l’actuel Président du groupe New Friends qui englobe notamment Synerglace est d’ailleurs l’ancien directeur de la patinoire de Mulhouse gérée à l’époque par l’AGEPAM, l’association de gestion de la patinoire de Mulhouse… association qui faisait le lien avec la ville. 

J’ai aussi intégré il y a longtemps la SAS Scorpion Business Club, un club de partenaires, de chefs d’entreprises qui est devenu dans un premier temps une SAS (Scorpion Business Club), puis une société (Scorpions de Mulhouse 1997) qui porte aujourd’hui l’équipe professionnelle ; une obligation imposée par la FFHG pour chaque club qui évolue en Ligue Magnus. Je suis arrivée quelques années après la création de ce club de partenaires dont le but était de trouver des financements et de les versée à l’ADHM qui supportait l’équipe pro. Mon arrivée à la présidence est plutôt la réponse à une demande pour aider la croissance du club qu’une véritable volonté. Néanmoins j’en tire beaucoup de fierté même si c’est aussi, beaucoup de pression. 

Justement, quelles sont les missions d’un Président de club sportif ? Quels sont les principaux défis auxquels vous devez faire face ?  

La première mission bien sûr et celle d’assurer l’équilibre financier. Un club de hockey à ce niveau se gère comme une entreprise mais sans doute avec plus de contrainte puisque nous sommes liés aux résultats de l’équipe. Il y a aussi à l’inverse d’une entreprise un énorme turnover… d’une saison à l’autre, il faut faire face aux départs. Sur la saison 2020/2021 nous avons perdu 85% de l’effectif, il a fallu tout reconstruire pour la saison 2021/2022. C’est un défi humain et financier. Par ailleurs, le modèle économique d’un club de la taille de Mulhouse c’est dans les grandes lignes 1/3 de subventions publiques (Ville, CEA, Région, l’agglomération M2A met à disposition l’équipement, à savoir la patinoire), 1/3 de recettes de billetterie et 1/3 de sponsoring. Avec le Covid et les incertitudes économiques récentes, notre billetterie et nos sponsors sont plus frileux. 

«  Nous essayons au maximum de nous déployer au sein de quartiers défavorisés pour remplir également le rôle social du sport »

Comment le club s’intègre-t-il sur le territoire ?  

Un Club de hockey ce n’est pas seulement une patinoire mais c’est aussi apporter un dynamisme sportif dans le territoire. J’y suis très attaché. Quand on parle de territoire, il faut élargir au maximum le rayonnement du Club.  
C’est dans ce sens que nous avons mis en place une « entente sportive » pour former les joueurs de la plus petite catégorie jusqu’au U20, l’étage juste avant la Ligue Magnus. Elle intègre Mulhouse, Colmar et Strasbourg… peut-être un jour Belfort. Il faut s’installer durablement sur le territoire et plus le territoire est large plus nous trouvons des économies d’échelle et un vivier de joueurs potentiels à former. Nous devons aller chercher des envies, susciter des vocations à l’extérieur de la patinoire pour développer une pratique qui reste encore exclusive. 

C’est dans ce même esprit que nous avons initié l’année dernière « les mercredis du hockey » sur l’agglomération mulhousienne (M2A) qui englobe un peu moins de 40 communes.  Nous installons en ville des structures gonflables qui permettent de jouer au hockey en chaussettes, nous proposons des stands de tir avec palets. Des ateliers pour apprendre à jouer. Nous travaillons actuellement sur un projet ville avec des patinoires mobiles synthétiques que nous pourrions déplacer de quartier en quartier dans le cadre de la politique de la Ville. Nous essayons au maximum de nous déployer au sein de quartiers défavorisés pour remplir également le rôle social du sport. 

 

Justement, Mulhouse est une ville multiculturelle, en quoi le sport – « école de vie » – est-il un levier de cohésion sociale et de transmission de valeurs ? 

A partir du moment où le Hockey est un sport collectif, il promeut un code, des valeurs, un respect des autres, de la hiérarchie, de l’autorité. On ne peut pas venir en dilettante. Nous favorisons le sentiment d’appartenance au club, le sentiment d’intégrer une communauté, de porter certaines valeurs fortes. Quand un enfant fait le choix d’intégrer un club il vient parce qu’il a envie de porter les couleurs de ce dernier. D’ailleurs, lors des déplacements, tout le monde est habillé de la même façon sans discrimination, sans stéréotype.  

Par ailleurs, nous avons dans le club des équipes mixtes jusqu’à 15 ans. Cela permet d’apprendre le respect entre filles et garçons car compte tenu des différences de morphologies, les règles sont précises et on ne « charge » pas une fille par exemple. 

À Mulhouse, nous avons toujours essayé de développer le local et de sortir de nos effectifs des joueurs du cru. Cette année l’équipe des Scorpions est la plus jeune du championnat avec une moyenne d’âge de 24 ans. Nous avons également un des plus petits budgets (1,5 millions d’euros quand Grenoble se situent autour de 5 millions) mais nous ne voulons pas être un club de mercenaires. Nous préférons à contrario accompagner, former et conserver nos talents autour d’une valeur centrale : le travail ! Le hockey est l’un des sports les plus rapides au monde et les lignes se relaient toutes les 45 secondes tant l’intensité physique est grande. On ne peut pas tricher sur la rigueur du travail. 

Interview#2

Le député, moteur de la délibération citoyenne 

S’il est courant d’entendre, ou de lire, que le lien de confiance entre dirigeants politiques et citoyens s’érode, certains élus continuent de s’engager dans cette voie difficile pour réconcilier intérêts individuels et perspectives collectives, ancrage territorial et représentation nationale. Entretien avec Bruno Fuchs, député de la 6ème circonscription du Haut-Rhin qui met en place des outils de délibération collective au sein d’un territoire transfrontalier aux enjeux variés. 

Élus dans un cadre géographique déterminé, les députés sont pourtant les représentants de la nation entière, comment s’articule ce rôle au quotidien ?  

La fonction de Député est particulièrement intéressante en raison du paradoxe originel lié au mode de scrutin. On vous désigne dans un territoire donné, où vous êtes redevable auprès de vos électeurs – et par extension de tous les citoyens de la circonscription – mais votre rôle est de voter des lois d’intérêt national et non pas local. Malgré cela, les députés ont longtemps pensé l’électoralisme local comme la norme. Quotidiennement, le député est sollicité par de gens qui ont besoin de lui car ils sont démunis et n’arrivent pas à trouver de solutions à leurs difficultés personnelles. Ce n’est pas le rôle du député.  

Néanmoins, sans tomber dans le clientélisme, il peut et doit contribuer à la résolution des problématiques économiques et administratives du territoire si ces dernières ont aussi une portée d’intérêt général. C’est par exemple une entreprise qui va fermer, un hôpital en difficulté, une ligne de TGV qui n’est pas terminée. Enfin pour l’Alsace il existe une problématique spécifique qui est la sortie du Grand – Est. C’est d’ailleurs un des premiers sujets que j’ai eu à traiter et un des seuls qui fait consensus par l’ensemble des députés alsaciens.  

«  Le député peut et doit être une impulsion décisive afin de réunir les différentes parties prenantes dans une logique d’intérêt local et national »

Quels sont les liens entre un député et les Maires de sa circonscription qui sont peut-être les élus les plus proches des problématiques citoyennes ? 

En effet, j’organise des réunions deux fois par an avec tous les maires de ma circonscription pour prendre le pouls de la situation et faire remonter les sujets prioritaires. C’est une bonne occasion d’échanger autour des travaux parlementaires et de partager avec eux nos informations. Cela va dans les deux sens bien sûr et souvent cela me permet de faire remonter des considérations plus techniques. Ce fut le cas avec la suppression de la taxe d‘habitation. 

Pour la loi ELAN sur le logement, j’ai réuni les différents acteurs concernés par les discussions : les bailleurs, les associations, les banques, bref toutes les parties prenantes de la loi. Je leur ai envoyé le projet de loi en amont et nous avons organisé plusieurs réunions chez moi. Grâce à   ces discussions, j’ai pu recueillir 25 ou 30 amendements d’amélioration. C’est l’idée que je me fais d’un député à l’écoute de son territoire mais conscient de son rôle national. 

Quelles sont les particularités d’un territoire comme le bassin Mulhousien qui est aussi un territoire transfrontalier ?  

C’est une question centrale pour ma circonscription (ndlr la 6ème circonscription du Haut-Rhin), pour l’Alsace et plus globalement pour tous les territoires transfrontaliers français.  Quand on parle de territoire, parle-t-on de territoire administratif ou bien de bassin de vie? Le bassin de vie chez nous c’est la Suisse, l’Allemagne. Vous parliez de rôle, c’est aussi le rôle du député de se battre contre une forme un peu étriquée de vision territoriale.  Nous avons été récemment confrontés au cas d’une femme souffrant d’un cancer. Le seul laboratoire disponible pour la réalisation de ses analyses était à Marseille avec un mois et demi d’attente. La sécurité sociale était prête, bien entendu, à payer le trajet, l’hébergement, la consultation, etc. En Suisse, à 25 kilomètres de chez elle, un rendez-vous était disponible dans les 48 heures mais cela est aujourd’hui impossible. La vision étriquée franco-française ne correspond pas toujours au bassin de vie et à l’optimisation.   

Le député peut et doit être une impulsion décisive afin de réunir les différentes parties prenantes dans une logique d’intérêt local et national.  Nous revenons une nouvelle fois au rôle du député dans un bassin de vie : orchestrer les relations entre les différents interlocuteurs et les différentes échelles territoriales. 

Être député n’est-ce pas aussi rechercher cet équilibre constant entre temps long et temps court ?  

Cet équilibre n’est pas seulement celui du député mais de toute personnalité politique.  Emmanuel Macron a réussi à déployer en 2017 une vision du temps long, de la société, de l’intégration du digital, du dialogue social. Il a porté cette vision de transformation pendant la campagne mais la société française est faite de telle façon que les dirigeants politiques sont obligés de se confronter à des crises permanentes. Et l’idée originelle d’Emmanuel Macron de se passer des corps intermédiaires s’est avérée fausse ou trop complexe à mettre en place. Peut-être avait-il raison trop tôt ? L’histoire montre que moins il y a d’intermédiaires entre les dirigeants et les citoyens, plus il y a un besoin d’intermédiation.   

Le député pourrait-il alors prendre un rôle plus important dans cette intermédiation ?  

 Je crois beaucoup à la délibération locale et reste profondément convaincu que la position du député doit lui permettre d’être le bon liant pour l’animer. J’ai essayé d’impulser deux initiatives qui vont dans ce sens : 

J’ai d’abord créé une association qui s’appelle « Réinventons local », un incubateur de projets citoyens. Nous sommes ici dans le champ de l’espace public et non plus dans celui du politique même si tout est toujours lié.  Je réunis des citoyens, une quinzaine de personnes, principalement des acteurs du domaine artistique, je les fais parler et nous dégageons ensemble un projet qui fait sens sur le territoire dans lequel on vit. C’est une belle et nécessaire source d’émulation collective.  Nous sommes partis du constat que ce qu’il manque à Mulhouse est un tiers lieu de culture urbaine. Mulhouse est une ville multiculturelle, avec 130 nationalités et un taux de précarité important. Des expressions artistiques coûteuses et bourgeoises existent mais l’accès à la culture reste difficile. Notre ambition c’est d’être la ville européenne de la culture urbaine. Si cela n’a pas encore totalement abouti, cela avance, petit à petit.  Ainsi le député ne porte pas les projets locaux mais facilite leur identification et à leur réalisation à terme. 

La deuxième initiative se situe sur le volet législatif car nous sommes en train de lancer une assemblée citoyenne de la 6ème circonscription du Haut-Rhin.  Cette assemblée serait composée de 120 personnes avec l’ambition de représenter les parties prenantes et de générer un maximum de débat. Il y aura ainsi 4 collèges de 30 personnes :  

  • Un collège d’élus, désignés par les maires, tenant compte de la démographie mais sans distinction partisane ;
  • Un collège d’interlocuteurs associatifs, des personnes engagées dans l’action publique que je désignerai ; 
  • Un collège de citoyens tirés au sort ; 
  • Un collège de jeunes de moins de 30 ans, tirés au sort également, pour avoir une surpondération de cette classe d’âge afin d’en comprendre les attentes et de les sensibiliser au débat. 

L’idée centrale est de soumettre à l’assemblée une partie des votes du député, de certains passages des textes législatifs. Cela permettra aussi, je l’espère, de faire la pédagogie du métier de député et de restaurer une confiance entre les élus et les citoyens tout en utilisant les nouvelles technologies.

Interview#3

KMØ, un écosystème numérique qui renforce l’industrie alsacienne

Entrepreneur, Patrick Rein a cofondé KMØ, un écosystème dédié à la transformation numérique de l’industrie, regroupant plus de 70 entreprises, dont il est aujourd’hui Président directeur général. Mulhousien, il décrypte l’histoire de cette friche industrielle, symbole de la grandeur passée de la ville aujourd’hui entièrement réhabilitée et porteuse d’avenir. À travers son récit, c’est l’histoire de Mulhouse qui nous est contée. 

Pouvez-vous revenir sur la genèse du KMØ ? Comment naît un tel projet ?  

Au départ, c’est la volonté d’un collectif composé d’un professeur, un architecte, un expert-comptable, et deux entrepreneurs de faire évoluer un territoire en aidant ses jeunes à développer leur activité. J’entends ici activité au sens large, c’est-à-dire aussi bien une start-up qu’une association. Tous ces jeunes avaient en commun d’être déscolarisés et d’avoir su développer des compétences numériques (par exemple, la photographie, la vidéo ou encore la maîtrise des réseaux sociaux…). Nous avons ainsi accompagné un champion du monde de gaming, qui par la suite, a inventé sa propre école de Gaming avant de s’associer à Ionis Education Group, premier groupe d’enseignement supérieur privé en Allemagne.  

Nous avions emménagé à l’époque dans une salle de cours au sein de l’Université de Haute Alsace, un espace qui s’est rapidement avéré trop étroit.

Vous avez donc rapidement pris de nouveaux locaux ? 

Oui, une nouvelle étape qui a marqué le début véritable de l’histoire de KMØ. Si nous recherchions alors des locaux d’une surface de 150 m2, l’ancien maire de Mulhouse, Jean Rottner, nous a poussé à être plus ambitieux. Nous avons choisi de nous installer dans cette ancienne friche, un espace de 11 500 m2 aujourd’hui entièrement occupé et dont la liste d’attente s’allonge. À l’époque, nous n’aurions jamais imaginé un tel succès ! 

L’histoire de ces locaux est très connectée à l’histoire de Mulhouse, et à l’ambition de KMØ   

Cette friche industrielle était à l’origine le départ d’une gare ferroviaire, qui reliait Mulhouse à Thann (une ville située à 22km de Mulhouse). La personne qui a créé cette ligne de chemin de fer, Nicolas Koechlin, l’a montée sur des financements privés. De l’idée à la mise en service, le 1er septembre 1839, 30 mois seulement se sont passés ! Si on dit qu’aujourd’hui, le monde va très vite, imaginez alors à quel point cette construction a été rapide et ce, sans grue, camion ni pelleteuse.  

À côté de la gare, une usine fabriquait des machines textiles, ce qui a donné l’idée à des industriels de construire des locomotives. Les ingrédients étaient similaires : vapeur, métal, mécanique, le mouvement en plus ! 

En 1871, l’annexion de l’Alsace-Lorraine par l’Allemagne entraîne le repli d’une partie de la production à Belfort : c’est la naissance de la SACM. En 1928, alors que la traction électrique ferroviaire commence à prendre un certain essor, la SACM créé une Joint-Venture avec Thomson-Houston et forme une nouvelle entreprise. Ce sera Als-Thom, dénommée ensuite Alstom, correspondant à la contraction d’ALSacienne-THOMson. Dans les années 1950, une filiale de la SACM développe des équipements de télécommunications, l’entreprise prend le nom d’Alcatel (acronyme d’Alsacienne de constructions atomiques de télécommunications et d’électronique).  

Cette rétrospective démontre à quel point la SACM était un symbole d’innovation, de collaboration et d’échanges. Près de 7 000 personnes y étaient employées. Quand j’étais à l’école élémentaire, près de 25% des parents de mes camarades de classe travaillaient pour la SACM.  

C’est ce lien fort avec le territoire qui nous a plu, et nous a donné envie d’y installer notre projet, avec pour ambition de renouer avec une industrialisation forte. Ce lieu, c’est un trait d’union entre le passé et le futur. Les anciens ateliers de production sont réhabilités en souvenir des pionniers de l’industrialisation de Mulhouse, et ce bâtiment a vocation à devenir le centre de l’innovation, du numérique et des technologies pour l’industrie.  

Qui sont les habitants de KMØ ?
 
L’écosystème de KMØ rassemble notamment des startups, des entreprises, des FabLab mais aussi des étudiants puisque 25 formations sont hébergées ici. Nous accueillons des sociétés suisses, allemandes, une entreprise belge. Notre objectif est de réduire à zéro (0 kilomètre) la distance entre tous ces acteurs, de favoriser les rencontres et les échanges entre ces acteurs entreprenants. Nous sélectionnons les candidats sur des critères précis même si bien sûr il y a toujours des exceptions : 

  • Le projet ou l’activité doivent être en rapport avec l’industrie. En effet, comme je vous l’ai expliqué, le lieu doit être connecté à ses racines !  
  • Le centre de décision doit être localisé à Mulhouse afin de pouvoir interagir rapidement. Un des problèmes de notre économie est la centralisation à Paris. Les sièges des sociétés du CAC 40 sont tous à Paris, excepté celui de Michelin situé à Clermont Ferrand. Si nous comparons avec le DAX allemand :  seules deux sociétés sont implantées à Berlin, les autres entreprises sont réparties dans les différentes régions allemandes. C’est cela qui fait la richesse d’un territoire !
  • Enfin, l’habitant doit être susceptible de devenir le fournisseur mais aussi le client d’autres habitants.  

Notre fonctionnement repose ainsi sur le principe de l’écosystème vertueux.  

Est-ce que l’image et l’attractivité de Mulhouse ont changé ?  

Ce n’est pas à moi de le dire mais j’aimerais le croire. L’image, je ne pense pas. L’attractivité, certainement. On a attiré des écoles comme Epitech, ou encore 42. Ce sont 600 étudiants qui viennent s’installer à Mulhouse et pour certains depuis le Canada ! 600 étudiants dans une ville comme Mulhouse, ce n’est pas anodin !  Ces écoles vont attirer d’autres entreprises à la recherche de compétences informatiques. Plus de 160 emplois ont été créés d’une manière endogène ou exogène sur le territoire 

Qu’est ce qui fait la force de ce territoire ?  

J’aime à dire que nous sommes très bien lotis. Nous avons deux lignes de TGV et un aéroport qui dessert près de 100 destinations principalement en Europe ! À 20km au sud de Mulhouse se situe Bâle, une des villes les plus riches du monde, et à 20Km à l’est, nous sommes en Allemagne. Un peu plus loin, à 1h15, en Suisse, à Zurich. Pas une semaine ne passe où je ne voyage pas en Suisse ou en Allemagne, des pays très différents de la France. C’est extrêmement enrichissant. Nous avons, d’ailleurs au KMØ de plus en plus de visiteurs suisses et allemands.  

Est-ce que l’avenir du KMØ  est de devenir un KMØ européen ?  

Je ne pense pas. La suite logique consiste davantage en une duplication du KMØ, décliné selon une logique sectorielle. Pour fonctionner, le KMØ doit être adapté à son territoire. J’imagine ainsi un réseau avec des compétences complémentaires qui permettraient une synergie entre les entreprises de chaque KMØ mais aussi les différents KMØ régionaux.   

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