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30.01.23

Les Landes de Gascogne : entre ruralité et modernité

       Étendues sur trois départements (les Landes, la Gironde et le Lot-et-Garonne), les Landes de Gascogne constituent une région naturelle de près d’1,4 million d’hectares, bordée par l’Océan Atlantique. Connu pour sa forêt - la plus grande de France -, ses terres verdoyantes, ses produits agricoles de qualité ou encore son climat tempéré, le territoire connaît aussi un boom touristique sur son littoral et un afflux de nouveaux résidents, attirés par sa qualité de vie et son développement économique. Zoom sur une terre à la fois fidèle à ses racines et tournée vers l’avenir.

Julie Neuville

Associée de Materrup
« Les Landes sont un territoire doté d’un magnifique potentiel de développement tout en restant connecté à ses racines. »

Florence Raguénès

Conservatrice de l’écomusée de Marquèze
« Nous avons pour mission la préservation du patrimoine culturel et le développement d’une conscience de territoire. »

Éric Kerrouche

Sénateur des Landes
« Contribuer à ce que la mosaïque territoriale française soit représentée au plus juste à l’échelle nationale. »

Interview#1

Materrup : le béton vert made in Landes

Lancée en 2018 et installée sur le technopôle Domolandes, Materrup propose une nouvelle génération de ciment à base d’argile crue ou de terres d’excavation locales et sans cuisson. Grâce à sa technologie innovante, la jeune pousse landaise entend bien transformer le secteur de la construction en proposant une alternative durable à un matériau fortement polluant, qui permet de réduire de 50% à 80% l’empreinte carbone du secteur. Rencontre avec Julie Neuville, une des 4 associés de l’entreprise. 

Materrup

Mathieu et Charles Neuville ont co-fondé Materrup en 2018. Quelle a été la genèse du projet  ? 

Frères jumeaux, Mathieu et Charles ont à l’origine tous les deux des parcours conventionnels au sein de grands groupes. Mathieu, le CEO, est un ancien ingénieur passé par Lafarge et Total. Il y a 8 ans, constatant que la transformation du secteur de la construction et de l’énergie n’avançait pas assez vite, il décide de quitter Total pour s’intéresser aux matériaux. En 2018, il co-fonde avec Charles, alors actif dans le domaine de la banque d’investissement, la startup Materrup, avec pour ambition de créer de l’impact de façon concrète et immédiate. Rapidement, ils sont rejoints par Manuel Mercé, également ancien collaborateur chez Total en centre de R&D. Je les accompagne de mon côté depuis le lancement  sur le déploiement de la notoriété de l’entreprise et sa politique d’impact et de RSE. Nous sommes ainsi 4 associés, à la tête d’une entreprise que nous gérons et développons collectivement.   

Le béton, matériau le plus utilisé au monde, est aussi un des plus grands émetteurs de gaz à effet de serre après le pétrole, le charbon et le gaz. Quelle est la spécificité du matériau bas-carbone proposé par Materrup et en quoi permet-il de réduire les émissions carbone ?  

En préambule, pour bien comprendre notre cœur de métier, il faut avoir en tête que le ciment et le béton représentent 8% des émissions de CO2 à l’échelle de la planète. Si c’était un pays, ce serait le 3ème pollueur mondial après les États-Unis et la Chine. Ce secteur industriel se place ainsi devant les transports en termes d’émissions carbone.  

La spécificité de Materrup et ce qui fait de nous une deeptech est l’utilisation d’argile crue comme matériau principal de notre ciment. Cette matière première est intrinsèquement bas carbone puisque par définition, elle est utilisée crue, sans nécessiter de four qui consomme de l’énergie. La fabrication de béton conventionnel nécessite par exemple une cuisson à 1 450° pendant 12h. 

Nous sommes ainsi garants de la sobriété de la matière première mais également de celle de la technologie et du process de fabrication. Notre technologie, protégée par 35 brevets à l’international, a la particularité de permettre l’utilisation d’argile crue en forte quantité dans les ciments et matériaux de construction et d’industrialiser la production. C’est ce qui fait l’innovation de rupture. Lorsqu’on veut créer de l’impact, il faut pouvoir le faire massivement. 

Le fonctionnement de nos cimenteries est également en lui-même bas carbone, puisque nous n’utilisons ni gaz ni pétrole pour les alimenter : uniquement de l’énergie électrique, issue en partie de panneaux solaires qui couvrent 25% de nos besoins en énergie sur notre usine pilote à Saint-Geours de Maremne.  

Enfin, nous avons opté pour une logistique résiliente en circuit court et en circulaire, puisque nous récupérons des déchets de carrières inutilisés pour les exploiter dans notre usine landaise puis les déployer sur le territoire, pour des projets localisés dans les Landes ou dans le Pays basque. La dynamique locale de notre activité est très importante, nous n’avons pas vocation à fournir l’ensemble du pays, mais à avoir un impact concret à l’échelle du territoire, afin de dynamiser un secteur et de créer de l’emploi.   

Justement, sur ce point, en quoi Materrup dynamise-t-elle le tissu économique landais en termes d’emploi ?  

Nous sommes actuellement une vingtaine de salariés chez Materrup, avec une dizaine de postes ouverts au recrutement, tous niveaux de qualification confondus, de la production jusqu’à la R&D. Selon les derniers chiffres de l’ADEME, un emploi créé dans l’industrie cimentière représenterait la création de 270 emplois directs sur un territoire. C’est donc un véritable levier de développement économique pour le département des Landes. 

Nous avons par ailleurs à cœur de travailler avec d’autres acteurs et de créer un réseau fort de partenaires. Nous avons signé des accords importants avec le groupe de bâtiment et de travaux publics Duhalde BTP dans le Pays basque, reconnu depuis de longues années pour son savoir-faire dans le béton, ainsi qu’avec Demathieu Bard, acteur majeur de la construction et de l’immobilier, qui travaille sur des chantiers pilotes engagés et exemplaires à Bordeaux.

"L’idée est d’accompagner les acteurs industriels en place vers la transition énergétique et écologique avec un produit issu de l’innovation de rupture, qui diminue de 50% l’empreinte carbone immédiate du ciment, sans en compromettre ni la qualité ni la performance. "

Quelles sont vos ambitions de développement dans les mois et années à venir ? 

À date, pour déployer notre technologie, nous avons été soutenus par les collectivités territoriales – la Région sur nos premiers investissements, le Département pour la construction de notre usine à Saint-Geours de Maremne -, par l’État dans le cadre de France Relance mais également grâce aux différents labels mis en place par Bpifrance auxquels nous appartenons (FrenchTech, GreenTech, DeepTech), et enfin nous avons pu compter sur l’aide d’une levée de fonds de 3 millions d’euros il y a deux ans, en plus de tous les fonds propres que nous avons personnellement investis au démarrage. 

Ce que nous souhaiterions désormais, c’est massifier notre solution à grande échelle, pour augmenter notre impact rapidement. Nous sommes passés en moins d’un an d’un bureau, à une plateforme technologique de R&D en incubateur, à une usine de production. La crise Covid et énergétique que nous traversons, la sécheresse historique qui a frappé la côte atlantique, les feux de forêts, démontrent bien qu’il faut accélérer la transition. Pour nous, cela implique de développer rapidement l’industrialisation de notre technologie et son utilisation. 

Quel rapport entretenez-vous avec le territoire landais ? Quelles sont selon vous ses particularités, ses ressources, ses richesses ?   

Nous aurions pu implanter notre activité dans n’importe quel territoire, l’argile est la matière la plus abondante qui existe sur Terre et elle est disponible quasiment partout !  

Créer Materrup dans les Landes a été pensé comme un retour aux sources puisque mes 3 associés sont originaires du Sud-Ouest. Nous avons réussi à développer de l’industrie dans un milieu rural comme les Landes ! Si nous réussissons à le faire ici, nous pouvons le déployer partout, l’impact n’est pas réservé aux grandes métropoles. 

De mon côté, je suis landaise d’adoption. C’est un territoire très chaleureux où il fait bon vivre et riche par la diversité des personnes qui le composent, par ses traditions, son attachement au patrimoine naturel, rural, gastronomique… C’est aussi un territoire connecté à l’avenir, entre Bordeaux et la frontière basque, à 3h de train de Paris, en plein cœur de la Région attractive de Nouvelle-Aquitaine. Avec ses forêts, l’océan, sa biodiversité, les Landes sont un territoire doté d’un magnifique potentiel de développement tout en restant connecté à ses racines.  

Interview#2

L’écomusée de Marquèze, conserver et faire vivre le patrimoine culturel et naturel landais

Créé en 1969 au cœur du Parc naturel régional des Landes de Gascogne, l’écomusée de Marquèze est l’un des tout premiers écomusées de France. Ce lieu unique retrace l’histoire de la Grande Lande en reconstituant le cadre de vie de ses populations tel qu’il était à la fin du XIXe siècle. Florence Raguénès en est la conservatrice depuis 12 ans. Cette diplômée d’histoire de l’art, passionnée par les musées atypiques, œuvre chaque jour à la préservation et la transmission d’un patrimoine rural méconnu, en faisant le récit d’une société en symbiose telle avec son environnement naturel, qu’elle disparut lorsque la lande fit place à la forêt, il y a 150 ans. 

Marquèze

Vous êtes conservatrice de l’écomusée de Marquèze, un musée de plein air atypique au cœur des Landes, depuis une douzaine d’années. Quelle est la particularité d’un écomusée ? 

À la différence d’un musée classique, où les objets d’étude sont déconnectés de leur environnement et présentés dans des vitrines, l’écomusée a vocation à s’implanter là où l’histoire s’est construite, où les gens ont vécu, sur le terrain. Le concept, officialisé en 1971, est également porteur de valeurs fortes : placer l’humain au cœur du projet, ancrer les équipements dans une démarche d’économie solidaire et de développement local, et être des vecteurs d’ouverture, de partage et de diversité.  

La Fédération des écomusées (FEMS), dont je suis référente régionale pour la Nouvelle-Aquitaine, rassemble aujourd’hui 180 établissements en France, dont 18 sont situés dans notre région.  

Comment est né le projet d’écomusée de Marquèze ?   

Dans les années 60, le département – et notamment la zone du massif forestier landais – est dans une situation économique difficile. La fin des années 40 a été marquée par d’importants incendies dus au manque d’entretien des forêts pendant la Seconde Guerre mondiale et à plusieurs étés de sécheresse qui ont mis à mal les ressources et activités sylvicoles, comme l’exploitation du bois et le gemmage. Les acteurs publics réalisent alors qu’une nouvelle économie est à réinventer sur le territoire pour compenser ces pertes forestières.  

Des projets d’aménagement du territoire voient le jour sur le littoral pour créer des stations balnéaires, comme à Vieux-Boucau et Moliets, et le développement du tourisme gagne aussi du terrain à l’intérieur des terres. Naît alors l’idée d’un équipement de plein air destiné à servir de locomotive touristique pour attirer des visiteurs sur le territoire. Lors d’un repérage, la maison de maître emblématique de l’écomusée de Marquèze apparaît comme un véritable coup de cœur. Le site est alors choisi pour l’installation de ce projet touristique : un musée qui présenterait les modes de vie des quartiers landais de l’époque. Né en 1969, Marquèze propose ainsi de découvrir à la fois le mode de vie agropastoral, basé sur l’élevage de brebis et la culture du seigle, et le mode de vie supplanté progressivement dans la seconde moitié du XIXe siècle avec le développement des activités de la forêt. Le quartier, le bâti, les cheptels d’animaux et les activités traditionnelles quotidiennes comme la fabrication de pain et le filage sont reconstituées pour permettre une immersion authentique dans l’histoire du territoire.  

L’écomusée a été créé par le Parc naturel régional des Landes de Gascogne. Quel lien unit les deux structures ?  

Les deux structures sont nées l’une de l’autre, au même moment en 1969. Il était naturel que le Parc prenne en charge la gestion de l’écomusée, puisque les parcs naturels régionaux ont vocation à viser l’harmonie entre l’être humain et la nature. Le Parc a aussi pour mission la préservation des paysages et du patrimoine bâti, le développement d’une conscience de territoire et de l’écotourisme. La bulle paysagère que représente Marquèze est, à ce titre, une vitrine de démonstration et un terrain d’expérimentation pour les principales activités du Parc.  

Cette mission de préservation du patrimoine naturel s’illustre-t-elle particulièrement dans la programmation de l’écomusée ? La conservation du patrimoine ne permet-elle pas de tirer des enseignements du passé et de mieux protéger nos ressources, notre environnement ? 

Les préoccupations environnementales ont toujours été au cœur de notre activité et de notre propos. Lorsque nous évoquons le gemmage, la gestion des parcelles, les semences, nous parlons bien sûr en filigrane du rapport des hommes à l’environnement, à la terre, des aléas du climat auxquels les populations sont soumises. Le changement climatique est un sujet criant, après l’été inédit que nous avons connu, mais l’écomusée sensibilise les publics depuis de nombreuses années. 

Ces modes de vie ancestraux, basés sur l’autosubsistance, ont beaucoup à nous apprendre : les habitants de la lande optimisaient tout et ne jetaient rien. Les plumes de canard servaient à fabriquer des matelas, la laine des moutons était destinée à l’habillement, la graisse de cochon à la fabrication de savon…évoquer les modes de vie dans les quartiers landais il y a 150 ans, c’est parler aussi de nos préoccupations actuelles vis-à-vis de l’environnement, de sobriété, d’économie locale et circulaire, de préservation de nos ressources…

"Nous avons un rôle de transmission de savoir-faire traditionnels et écologiques."

Ainsi, comme le bâti : toutes nos maisons sont faites de torchis de seigle et d’argile – des ressources locales qui tendent à se perdre car les artisans et entreprises des Landes sont de moins en moins formés à ces techniques. Nous souhaiterions faire de Marquèze une sorte de chantier école, de lieu d’expérimentation, d’apprentissage et de transmission des savoir-faire unique sur les techniques de bâti écologique.   

Au-delà du discours et des enseignements portés par nos installations, la préservation du patrimoine naturel est aussi à la base-même de l’organisation de notre musée, qui engage un virage technologique de son activité pour diminuer son empreinte écologique : nous réfléchissons par exemple à l’énergie utilisée pour faire tourner notre train, avons testé pour la première fois des toilettes sèches… Et bien évidemment, nous privilégions le circuit local et la démarche ESS pour tous les produits vendus dans notre boutique ou à la carte de notre restaurant. 

Quels types de publics l’écomusée attire-t-il ? Les visiteurs sont-ils en majorité liés au territoire des Landes ?  

Sur une année type, nous observons deux tendances.  

Au printemps et en automne, l’écomusée accueille principalement des locaux (landais, girondins, béarnais, gersois), car Marquèze s’est inscrit en cinquante ans dans l’histoire intime des familles. Ces visiteurs qui venaient avec leur école reviennent des années plus tard avec leurs enfants, puis leurs petits-enfants. En été, nous accueillons plutôt des vacanciers – français ou étrangers issus des pays limitrophes.   

"En moyenne, nous recevons chaque année 90 000 visiteurs, avec une très forte proportion de publics scolaires, ce dont nous sommes très fiers. Il y a une démarche volontariste très forte de la part des écoles pour programmer les ateliers pédagogiques à Marquèze."

Quelles sont vos ambitions pour les mois et années à venir ? 

Nous avons une réelle volonté de mieux ancrer notre projet dans le territoire local, en développant notre démarche ESS avec des acteurs locaux. Au sein du département et de la région, des opportunités intéressantes d’économie sociale et solidaire émergent. Nous avons par exemple tissé un partenariat avec la coopérative Coop jeunesse service, portée par l’association PLOUCS (Projets Locaux Ouverts Utiles Collectifs et Solidaires) et la coopérative Co-Action, pour permettre à des jeunes de 16 à 18 ans issus de communes rurales alentour de s’investir en tant que “petits entrepreneurs” au sein de l’écomusée et de se projeter dans un projet professionnel. 

Nous nous attachons par ailleurs à nous inscrire de plus en plus dans un projet global d’écoconception, avec notamment le réemploi de la laine de nos brebis ou notre démarche de circuit-court : plus de 80% de nos produits sont fabriqués en France et les légumes utilisés dans notre restaurant sont cultivés par un maraîcher installé sur notre terrain.  

Enfin, nous avons à cœur de renouveler notre offre culturelle et nos pratiques de médiation, en sortant davantage de nos murs. Nous avons par exemple développé un cabinet de curiosités, qui permet de raconter de manière originale et sensible – en mêlant musique et poésie – l’histoire du territoire auprès de publics extérieurs, dans des médiathèques, des centres de loisirs…  

Les Landes sont une terre en plein boom d’attractivité. Qu’est-ce qui fait selon vous sa singularité et son attractivité ?   

En tant que conservatrice, j’apprécie son histoire très particulière et sa dualité. Le massif des Landes était, il y a encore deux siècles, un territoire recouvert de lande, qui a fait place très rapidement à une immense forêt industrielle, devenue aujourd’hui le plus grand massif résineux d’Europe. Ce territoire, qui a vécu une transformation colossale, est en même temps très fragile face aux aléas climatiques. Ces dernières années, les tempêtes, la prolifération du scolyte, les incendies ont mis la forêt à mal, alors même que celle-ci est un véritable repère identitaire pour les habitants.  

J’apprécie également le charme de l’authenticité pastorale du bâti traditionnel, du mode de vie en airial, les bergeries de parcours, les poulaillers perchés, les granges… 

Et enfin, la mixité de population, propre au département des Landes. Les Italiens, Espagnols, Marocains qui s’y sont installés au XXe siècle y ont laissé leur empreinte et la culture espagnole est omniprésente. Native du Finistère, j’étais fascinée de constater cette pluralité d’influences culturelles en arrivant dans les Landes. Cette diversité de population, ces histoires qui se sont mariées harmonieusement au sein du territoire, lui confèrent une richesse particulière que je trouve très intéressante.  

Interview#3

Défendre les préoccupations locales des citoyens des Landes

Chercheur en sciences politiques et directeur de recherche CNRS au CEVIPOF, Eric Kerrouche est sénateur (PS) des Landes depuis 2017, après avoir été adjoint de la Ville de Capbreton et président de la Communauté de communes Maremne Adour Côte-Sud (MACS). Expert de la décentralisation, c’est après un parcours électif de 20 ans sur le terrain qu’il endosse un mandat national. Dans les Landes, il s’engage à représenter les intérêts des collectivités territoriales, valoriser la politique du quotidien et les initiatives innovantes de ce département 

Eric Kerrouche

Pourquoi vous être engagé politiquement, précisément sur le territoire des Landes ? 

Je me suis d’abord engagé politiquement au sein du parti socialiste en réaction à la montée en puissance du Front national. Ma vision du développement territorial, ma conviction que les services publics et les politiques doivent être mis en place sur tout le territoire et pour le plus grand nombre, m’ont ensuite amené à m’engager politiquement à l’échelle locale. J’ai commencé en tant qu’attaché parlementaire aux côtés de Jean-Pierre Dufau, alors député des Landes, qui m’a proposé après mon recrutement au CNRS d’intégrer sa liste aux municipales de 2001. Puis j’ai occupé des fonctions d’adjoint et de conseiller communautaire à la création, l’année suivante, de la Communauté de communes de Maremne Adour Côte-Sud, dont je suis par la suite devenu président, tout en étant encore élu à Capbreton. J’ai également été conseiller régional pendant deux ans de 2015 à 2017. 

Ces différents mandats locaux ont renforcé une certitude : le développement territorial peut vraiment faire la différence pour les territoires dynamiques, comme le département des Landes qui connaît une très forte progression démographique. A contrario, ce qui est pensé de manière verticale fonctionne assez peu.  

"Le développement territorial peut vraiment faire la différence. Ce qui est pensé de manière verticale fonctionne assez peu."

Quel est le rôle d’un sénateur au service de son territoire ? Comment son action s’articule-t-elle entre échelle nationale et locale ?  

Un sénateur n’a pas de pouvoir localement mais il a une réelle influence : celle d’être un trait d’union, localement au sein du territoire avec les collectivités et les services de l’État, et vers l’arène nationale, lorsque par exemple certaines difficultés vécues par les territoires ne peuvent être levées qu’au niveau ministériel ou législatif.   

Une autre mission du sénateur consiste à faire en sorte que les spécificités territoriales de chaque département puissent être comprises et assimilées dans la production législative, et à contribuer à ce que la mosaïque territoriale française soit représentée au plus juste à l’échelle nationale. L’objectif visé est de respecter au mieux l’identité et les singularités des différents départements.  

Comment décririez-vous justement l’identité du département des Landes ? 

Outre ses cultures locales très vivaces, l’espace, la qualité de vie et l’environnement naturel très riche, aussi bien sur les plans forestier, agricole ou littoral, sont des sources d’attractivité majeures pour le territoire. Nous avons une côte magnifique, préservée, très sauvage, une forêt landaise qui offre un sentiment d’immensité, avant de rencontrer un peu plus loin les coteaux de Chalosse…ces paysages naturels font des Landes une terre d’accueil séduisante pour les néo-landais qui y élisent domicile..  

C’est certain, l’attractivité des Landes est en pleine expansion. Lors de mes différents déplacements au cœur du département, je constate un frémissement croissant en matière de population. Un nouveau phénomène, qui fait émerger d’ailleurs de nouvelles problématiques, comme l’accès au logement.  

Observez-vous des disparités fortes entre des zones qui s’urbanisent de plus en plus, par exemple sur le littoral, et les terres rurales encore dominées par l’agriculture ?  

Le territoire est bien sûr disparate, composé de bulles d’attractivité – comme le littoral, les zones touristiques, les abords des villes – mais les attentes des nouveaux arrivants sont multiples : certains cherchent la proximité de zones dynamiques, d’autres sont au contraire attirés par les bords du fleuve de l’Adour, les espaces ruraux ou encore le cœur de la forêt, pour mener une vie au calme.

On observe en tout cas un très net mouvement d’installation de nouvelles populations. Les Landes représentent à juste titre une certaine idée de l’authenticité territoriale. Et donc, la demande se démultiplie. Le covid et les changements de modalités de travail – avec l’essor du télétravail notamment – ont rendu possible l’arrivée de nouveaux travailleurs, qui peuvent désormais vivre loin des centres dits décisionnels.  

"Les Landes représentent à juste titre une certaine idée de l'authenticité territoriale. Et donc, la demande se démultiplie".

Ces nouvelles populations créent également du développement économique. Mais nous étions, contrairement aux apparences, déjà un département industriel, qui, outre la présence de grands groupes, est peuplé de pépites incubées dans les différentes pépinières publiques du département.  

Au niveau national, des projets de réforme territoriale essaiment dans le discours politique. Quelle est votre position sur les besoins des collectivités, la question de la répartition des compétences, les priorités ?   

Je viens de rendre il y a quelques mois un rapport d’information sur la notion d’État territorial, avec ma collègue Agnès Canayer. Notre diagnostic est le suivant : l’État est à la peine face aux attentes des élus locaux. Si chaque réforme de l’État déconcentré a été portée par l’ambition d’améliorer le fonctionnement des services et de mieux répondre à la demande d’État dans les territoires, la réalité constatée est celle d’une drastique baisse des moyens de l’État dans les territoires. Nous sommes passés de 40 000 emplois dans les directions départementales interministérielles en 2012 à 25 000 en 2020, c’est une perte énorme. Dans ce contexte, l’État n’arrive plus à jouer son rôle d’accompagnement des élus locaux notamment.  

Certains choix contestables ont également été faits : la dématérialisation des services par exemple, sur laquelle l’État a parié pour pallier les chutes de personnel, a pu par exemple générer des frustrations, de l’éloignement voire un sentiment de relégation au sein des territoires. Ma conviction, c’est qu’il faut redonner de la substance à l’État et un sens à l’État local.

“Ma conviction, c’est qu’il faut redonner de la substance à l’État et un sens à l’État local.”

Pour le reste, je pense qu’il faut cesser de penser uniquement la décentralisation en termes de répartition des compétences, au sein de chaque périmètre (commune, intercommunalité, département), de chaque cadre institutionnel. Ce qui importe, c’est la continuité de services, pour tout le monde et partout. À cet effet, il est essentiel d’encourager la collaboration entre les différents niveaux de collectivités pour que les politiques et services publics essentiels comme ceux liés à la mobilité, l’environnement, puissent répondre aux besoins des populations. Nous avons besoin d’une action publique plus fluides et plus agiles pour réfléchir collectivement à un meilleur développement territorial qui soit équitable. 

Quant au rôle de l’État dans cette dynamique de coopération, je ne crois pas à sa capacité coercitive, tout simplement parce qu’il n’a plus les moyens de le faire. Que ces schémas de collaboration soient des obligations pour chacune des institutions est une bonne chose, mais je dirais que cette dynamique doit plutôt être le fruit du bon sens, soutenue par un cadre contractuel liant les uns aux autres sur une période d’action donnée.   

Avez-vous des exemples de collaborations qui fonctionnent bien à l’échelle des Landes ? 

Le succès du parc d’activités Atlantisud à Saint-Geours de Maremne est un formidable exemple. Celui-ci illustre le pari réussi des syndicats mixtes, qui ont permis aux collectivités de nature différentes de se rassembler. La communauté de communes MACS et le département se sont entendus pour créer l’un de ces syndicats mixtes, destiné à permettre de réfléchir collectivement au développement économique local de cette zone. Atlantisud héberge désormais une pépinière d’entreprises, nommée Domolandes, particulièrement dynamique et la création d’emploi est de plus en plus forte suite aux nombreuses installations d’entreprises. 

La mise en place de cet écosystème n’aurait pas été possible sans les différentes synergies. C’est un exemple de coopération territoriale inter-collectivités particulièrement intelligent, qu’il faut étendre et pérenniser. 

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