Le vin c’est une affaire de famille ?
Tout à fait. J’ai eu la chance de passer mon enfance au Château Angélus, propriété que ma famille détient depuis 8 générations.
Durant une dizaine d’années, j’ai travaillé avec mon père, notamment côté ventes et marketing. En 2012, j’ai pris la direction du Château la Fleur de Bouärd, dont mon père avait fait l’acquisition à la fin des années 90.
En 2016, j’ai acheté le château Clos de Bouärd, un domaine de 30 hectares situé sur les terroirs de Montagne Saint-Émilion. Grâce à cet emplacement, je bénéficie de grands terroirs, argilo-calcaires, qui permettent de faire un vin d’exception. Depuis le début de cette aventure, je mets un point d’honneur à mettre en œuvre l’excellence du savoir-faire transmis par ma famille.
En 2022, vous avez lancé un vin désalcoolisé. Pourquoi avoir fait ce choix audacieux ?
Disons que j’ai eu la chance d’être au bon endroit, au bon moment. Il se trouve qu’en 2019, j’ai reçu une proposition que je ne pouvais pas refuser, d’autant que je suis toujours en quête de nouveaux défis. Les propriétaires Qataris du PSG souhaitent alors réaliser une commande de bouteilles de vin désalcoolisé. On parle de 35 000 bouteilles. J’ai décidé de saisir cette opportunité en lançant ma propre gamme de vin sans alcool.
Comment s’est passée la phase d’élaboration ?
Nous avons pris le temps nécessaire pour proposer un vin de grande qualité. Pour ce faire, nous avons appliqué la méthode suivante : le vin désalcoolisé suit la même fermentation et le même élevage en barriques que notre cuvée la plus prestigieuse. Notre leitmotiv : conserver les marqueurs du vin. Pour compenser l’absence d’alcool, qui constitue un exhausteur de goût, nous ajoutons du moût concentré, jus extrait des raisins avant fermentation.
C’est ainsi qu’est née la marque Prince Oscar au printemps 2022, en référence au premier client de mon vin désalcoolisé et au prénom de mon fils cadet.
Le marché du sans-alcool est-il en pleine croissance?
Plusieurs pays en Europe se sont lancés sur ce marché assez rapidement. Je songe à l’Allemagne et à l’Autriche tout particulièrement.
Actuellement, ce marché est en plein essor dans l’Hexagone. Depuis début janvier nous avons vendu des dizaines de milliers de bouteilles. Aujourd’hui, notre vin est vendu partout dans le monde : Pays-Bas, États-Unis, Corée, Suisse, la Réunion, Roumanie, Portugal ou encore au Japon.
Le développement du sans-alcool est le signe que notre société est en train d’évoluer. Les Français assument de plus en plus le fait de ne pas boire de l’alcool ou bien d’en boire moins qu’auparavant. Nous avons constaté qu’au sein de la nouvelle jeune génération, nombreux sont ceux qui consomment peu d’alcool.
Les Français qui ont entre 40 et 50 ans privilégient un mode de vie plus sain. Cela ne veut pas dire qu’ils s’abstiennent de boire de l’alcool mais qu’ils ont tendance à cantonner leur consommation au week-end. Au cours de la semaine, ils préféreront une boisson sans alcool à un apéritif ou à du vin.
Le caractère faiblement sucré du vin désalcoolisé a de quoi également séduire. Une fois que le vin a été désalcoolisé, il ne compte plus que 11 calories pour 100 centilitres. En général dans un vin « traditionnel », nous trouvons entre 85 et 100 calories pour 100 centilitres.
Le vin traditionnel reste-t-il au cœur de votre stratégie ?
Je mène les deux de front. Aujourd’hui, mon vin désalcoolisé est devenu la locomotive de mes vins traditionnels. Il faut reconnaitre que le secteur du vin a été fragilisé par des crises à répétition, notamment la forte inflation que nous connaissons. Le développement de cette gamme sans alcool est aussi une réponse à ce contexte difficile. Aujourd’hui, je retrouve un équilibre avec le développement de ce vin désalcoolisé.