En tant que co-fondateurs de Climbing District, l’un des leaders de l’escalade urbaine en France, comment percevez-vous l’importance de travailler en tandem dans la direction de votre entreprise ?
HA : Effectivement, notre approche de la gestion de cette entreprise est profondément collaborative. Nos profils sont complémentaires et nous avons une vraie connivence qui selon moi apporte une vraie richesse qui irradie dans toute l’entreprise. Notre vision et notre approche de pilotage sont transversales. Bien qu’Antoine ait une perspective plus financière et que je me concentre davantage sur le marketing, nous savons nous écouter et surtout nous rejoindre.
AP : Nous sommes constamment attentifs aux signaux faibles de l’entreprise et nous nous efforçons de construire en écoutant l’autre, tout en restant alignés sur un projet commun à moyen et long terme. Cela implique d’ajuster régulièrement notre vision en fonction des informations partagées par l’autre. Le fait d’être là où nous sommes aujourd’hui témoigne de notre réussite à fusionner le meilleur de nos deux univers.
Quelle a été la genèse de Climbing District ?
HA : Au moment où je fais la rencontre d’Antoine, je réfléchis à monter une salle d’escalade. Il devient rapidement mon partenaire professionnel, et ensemble, nous concrétisons le projet. Mais, en 2020, la pandémie de COVID-19 met Climbing District sur pause et crée le doute chez certains de nos investisseurs.
Malgré ces obstacles, nous parvenons à persuader les investisseurs ainsi que les partenaires bancaires de nous faire confiance, tirant avantage de ce moment unique où nos concurrents hésitent à investir en raison de la crise sanitaire. Les salles de sport sont vides, et les grandes enseignes, capables de prendre les emplacements nécessaires pour nos salles d’escalade, ne peuvent pas bouger. Cette conjoncture de crise a créé une opportunité qui a propulsé le développement rapide de Climbing District.
Le calendrier initial, influencé par les incertitudes liées à la pandémie, aboutit à l’ouverture de notre première salle en janvier 2021. La période post-ouverture est marquée par des ajustements en raison des restrictions liées à la pandémie. Malgré ces défis, nous parvenons à conclure une levée de fonds pour une deuxième salle en mai 2021.
AP : Notre approche stratégique se distingue par notre rapidité d’action, visant à occuper dès nos débuts une position dominante sur le marché parisien. Lorsque nous avons démarré, seules deux salles d’escalade existaient à Paris intra-muros. En s’installant à Saint Lazare et Neuilly, nous avons choisi des emplacements tactiques à fort pouvoir d’achat, adoptant un positionnement haut de gamme, qui nous différencie de nos concurrents.
Notre récente levée de fonds en décembre 2023 marque un tournant : elle signe l’évolution de notre entreprise depuis nos débuts en tant que start-up jusqu’à notre légitimation institutionnelle.
Quel est l’objectif de votre dernière levée de fonds ?
HA : La dernière levée de fonds que nous avons réalisée vise deux objectifs principaux. Tout d’abord, nous souhaitons continuer à renforcer notre présence en France et particulièrement sur l’approche Grand Paris. L’objectif est de maintenir un maillage cohérent et de tisser un réseau solide en Île-de-France. Deuxièmement, nous avons l’ambition de travailler sur une plateforme de consolidation du marché à l’échelle européenne, avec deux grandes orientations : Londres et Milan.
AP : Notre stratégie d’expansion en Europe repose sur une approche ciblée. Nous cherchons à nous adresser à des villes similaires à Paris en termes de population, de pouvoir d’achat et de taille de marché. La première phase de notre stratégie implique une croissance externe, en acquérant des structures existantes, des compétences, des réseaux, et des équipes ayant une expertise avérée sur ce marché. Cette acquisition servira de tête de pont à partir de laquelle nous nous développerons de manière organique, en ouvrant de nouvelles salles, tout en restant ouverts aux opportunités d’achat supplémentaires.
Actuellement, la France représente le marché le plus structuré en termes de concentration d’acteurs, mais d’autres pays européens montrent des signes d’émergence, avec des disparités significatives. Par exemple, l’Allemagne compte 600 salles d’escalade, tandis que l’Italie n’en a que 33, bien que la pratique y soit répandue en extérieur. L’Espagne et le Royaume-Uni connaissent également une recrudescence d’ouvertures. Nous anticipons une évolution du marché avec une segmentation accrue, incluant des offres d’entrée, de milieu et de haut de gamme. De plus, nous observons un changement générationnel parmi les exploitants avec une transition depuis des passionnés de l’escalade vers des profils avec une approche plus axée business. Nous sommes convaincus que ces changements offrent des opportunités que nous sommes prêts à saisir.
Qu’est ce qui fonde la singularité de Climbing District ?
HA : Ce qui nous importe chez Climbing District, c’est que nos espaces trouvent un usage avec un trafic dynamique et une réelle utilisation par notre communauté. Une fois notre salle d’escalade ouverte, nous avons cherché à maximiser son utilisation en y ajoutant des éléments tels que le coworking, la réparation de vélos, les événements sociaux, et tout ce qui constitue notre « social club ». Notre objectif n’est pas simplement d’être une salle de sport conventionnelle avec une affluence matinale, une légère activité à midi et un pic le soir. Nous aspirons à créer un point d’ancrage dans le quartier. Nous travaillons avec une population urbaine à qui nous voulons offrir de nouveaux « cœurs de ville », des lieux d’expérience authentique avec une qualité de service premium.
Dans le monde ultra-connecté d’aujourd’hui, les études montrent que les urbains se plaignent de solitude de manière considérable. C’est dans ce contexte que Climbing District se positionne en offrant des lieux de rencontres, où l’attention à l’autre est omniprésente. L’empathie envers nos membres, la qualité de l’accueil, de l’écoute et des relations, constituent véritablement la signature de Climbing District. Pour nous, cela s’apparente à ce que les anglo-saxons appellent le « care » contrairement au simple « wellness » qui se concentre uniquement sur le bien-être physique. Notre objectif est d’avoir des membres bien dans leur tête, en harmonie avec eux-mêmes et avec les autres.
AP : Les lieux de connexion sociale se font rares. Nous avons perdu la facilité d’aborder l’autre dans des espaces publics classiques comme les cafés ou les cinémas. Dans nos salles, avec leurs trois types d’activités (club, coworking, escalade), nous proposons une connexion authentique à l’autre, qui favorise les rencontres. Le « Social Club » chez Climbing District regroupe toutes les animations culturelles au sein de nos salles, allant d’événements cinématographiques comme le festival ciné grimpe GAZ à des soirées thématiques comme les raclettes ou jeux de société.
Quant au choix de l’escalade, c’est l’un des rares sports où une personne de 50 ans peut discuter avec un enfant de 12 ans, voire lui confier sa vie en toute confiance lors d’une escalade sécurisée. Cette dimension humaine et sociale de l’escalade est au cœur de notre approche chez Climbing District.
Cette recherche du care s’applique-t-elle également au sein de vos équipes ?
AP : En effet, notre approche centrée sur le « care » s’applique également à nos collaborateurs. Nous cherchons à prendre des décisions équilibrées pour maintenir une atmosphère où nos équipes sont motivées et investies dans le projet. Offrir de meilleures conditions de travail et une rémunération compétitive contribue à créer un environnement où chacun se sent valorisé.
Nous considérons notre entreprise comme bien plus qu’une simple entité économique. Elle joue un rôle crucial en structurant un réseau de relations entre fournisseurs, employés et autres acteurs. Il s’agit de créer de la valeur tout en respectant les responsabilités envers nos équipes. Par exemple, nous avons pris des initiatives telles que l’embauche de personnes handicapées, la rémunération au-dessus du SMIC, et la mise en place d’un système d’incentives.
Nous sommes profondément convaincus que plus nous avons de ressources, plus nous avons de responsabilités envers la société et nos équipes. Nous nous engageons activement dans des questions sociales telles que la représentation du personnel, nous investissons dans des technologies éco-énergétiques coûteuses mais efficientes pour nos salles d’escalade.