“J’ai un parcours très diversifié (…) en ce moment, je suis sportive de haut niveau”. C’est ainsi que débute notre entretien avec Stéphanie Gicquel. “En ce moment“ : une précision temporelle primordiale, car son activité n’a effectivement pas toujours été celle-ci…
Avocate d’affaires pendant une dizaine d’années, Stéphanie Gicquel s’est ensuite tournée vers le sport extrême et est devenue la première française à avoir couru un marathon autour du pôle Nord par -30 °C. En 2015, elle traverse l’Antarctique via le pôle Sud sur 2045 kilomètres en 74 jours par -50 °C – la plus longue expédition à ski sans voile de traction réalisée par une femme en Antarctique. Curieuse et mue par sa passion d’entreprendre, elle se tourne vers le sport de haut niveau : spécialiste de longues distances et de trail, Stéphanie devient membre de l’équipe de France d’athlétisme. Elle est aujourd’hui détentrice du record de France de 24 heures (253,58 km). “Le terme qui me définit peut-être le mieux, c’est celui d’aventurière. Je suis souvent sortie de ma zone de confort pour aller défricher de nouveaux environnements”, souligne la sportive.
Aventurière… et atypique. Car la jeune femme n’a pas fait les choses “dans l’ordre”, en commençant le sport très jeune ou en se tournant vers le sport-aventure après une carrière de sportive de haut niveau. “J’ai vécu l’inverse : j’ai commencé par le sport-aventure, puis je suis devenue athlète. Cela montre que les choses sont possibles et surtout, qu’elles sont possibles dans un sens différent de celui que l’on veut toujours nous montrer, qui semble le plus évident pour l’œil extérieur”, affirme Stéphanie.
La soif d’entreprendre comme seule boussole
Enfant, Stéphanie exprime le besoin viscéral de découvrir le monde. Celle qui, à l’aube de ses 20 ans, se spécialisera dans le droit puis, un peu plus tard, dans le sport a soif d’entreprendre et une curiosité aiguisée. “Dès que je rencontre un nouvel environnement, il n’est pas impossible que j’en fasse une partie de mon chemin parce que ça me plaît. J’ai conscience que la vie est courte, alors quand j’atteins un objectif ou que je n’apprends plus dans un environnement donné, j’ai envie d’explorer de nouveau”, ajoute l’ancienne avocate. “Le changement qui est le plus frappant, de l’extérieur, c’est peut-être celui du passage de l’avocat à l’explorateur. Mais pour moi, c’était fluide : j’avais déjà cet état d’esprit “sportif” bien avant d’intégrer les cabinets d’avocat. C’est juste la même personne qui s’exprime dans différents environnements. Le point commun, c’est la passion de la vie et elle s’exprime à des moments différents, dans des domaines différents.”
« Les choses sont possibles, et surtout, elles sont possibles dans un sens différent de celui que l'on veut toujours nous montrer et qui semble le plus évident pour l'œil extérieur. »
Stéphanie Gicquel, sportive de haut niveau et exploratrice
Un parcours fluide, certes, mais non dénué d’obstacles. Comme toute entrepreneuse, Stéphanie Gicquel s’est heurtée à de nombreuses difficultés au cours de ses multiples carrières : “la première, c’est que pour pouvoir transformer une idée en un objectif, il faut accepter de sortir de la norme et des injonctions”. Moult fois, les choix de vie de la jeune femme ont généré incompréhensions, voire jugements : “on me prenait pour une folle”, relate-t-elle. En résulte alors une forme de solitude qu’il faut apprendre à gérer. “La seconde, c’est qu’il faut avoir une totale confiance en sa capacité à pouvoir atteindre l’objectif que l’on s’est fixé… Et la confiance se nourrit de l’expérience”, estime Stéphanie. Malgré tout, la sportive n’en démord pas : il faut oser et être audacieux. “C’est important parce que cela nous permet d’aller vers ce qui nous fait vibrer, vers ce qui nous fait rêver.”
Une sportive à l’engagement humain… et scientifique
En parallèle de son activité d’athlète, Stéphanie Gicquel est aussi auteure de plusieurs livres, conférencière (elle intervient régulièrement en entreprise et dans les médias sur le changement, l’audace, l’adaptation et le dépassement de soi) et fondatrice d’une association dont l’objectif est de sensibiliser le public, et notamment les jeunes, à la beauté et l’importance des régions polaires. Depuis 2021, elle est marraine du réseau Femmes des Territoires, et marraine de l’association Vaincre la Mucoviscidose depuis ce début d’année 2023. Elle soutient également depuis plusieurs années l’Association Petits Princes, qui réalise les rêves d’enfants malades.
L’engagement de la sportive ne s’arrête cependant pas au milieu associatif. Désireuse de faire avancer la recherche, Stéphanie travaille main dans la main avec les chercheurs de l’INSEP et de l’IRBA, notamment sur des sujets liés à l’adaptation du corps aux différents stress environnementaux (chaud, froid…) et à l’hypoxie (manque d’oxygène en altitude). Ces travaux constituent un précieux apport aussi pour le grand public : “avec le réchauffement climatique, nous allons être confrontés à des augmentations de température de plus en plus fréquentes et fortes”, explique la sportive. “Se pose la question de savoir si l’homme peut s’adapter à ces températures, qui risquent d’être extrêmes. On pense que, jusqu’à un certain point, la réponse est oui. L’homme peut s’adapter, mais il faut mettre en place des protocoles d’acclimatation… un peu du même type que ceux que l’on conçoit pour les sportifs de haut niveau.” Un constat qui offre des perspectives optimistes, à l’heure où l’avenir de l’être humain est synonyme de grandes incertitudes.
Avocate hier, sportive aujourd’hui : qui sait ce que sera Stéphanie Gicquel demain ? Quoi qu’il en soit, la jeune femme n’a pas fini de nous inspirer.
Crédits photo : Letizia LeFur