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20.09.23

Maxime de Rostolan, infatigable planteur d’avenir

       Ingénieur, voyageur, permaculteur, lobbyiste, militant, éco-entrepreneur, fêtard invétéré mais aussi “agitateur persévérant” selon sa biographie Instagram… difficile de placer Maxime de Rostolan dans une case. Celui qui est connu pour avoir fondé Fermes d’Avenir, Planteurs d’avenir, Blue Bees ou encore l’initiative citoyenne La Bascule, est un peu tout cela à la fois. À 42 ans, cet hyperactif insatiable désormais à la tête de Sailcoop, le premier réseau coopératif de voyage à la voile, jongle encore d’un projet à l’autre. Avec comme fil d’Ariane la volonté de construire un avenir collectif souhaitable.

À l’origine, Pierre Rabhi et un tour du monde en camion

Style décontracté, le franc parler facile, Maxime de Rostolan a l’habitude des interviews et des rencontres. Lorsqu’on l’interroge sur les racines de son engagement, c’est sans détour qu’il nous répond qu’il n’a pas de “formule magique qui fera plaisir aux journalistes”. Le ton est donné. Pas d’ingrédient précis à l’origine de sa prise de conscience mais toutefois quelques souvenirs marquants autour de ses 18 ans : le premier album de Tryo “écouté en boucle” qui “aborde tous les sujets importants – la ruralité, l’industrie, l’excès de technologies”, et sa rencontre avec la pensée du philosophe et précurseur de l’agroécologie Pierre Rabhi, à une conférence dont il sort “totalement retourné”.  

Mais sa première incursion réelle dans le monde de l’écologie se fera finalement sur les routes. Son diplôme d’ingénieur en poche, il décide de partir faire le tour du monde en camion à la découverte des problématiques locales de l’eau. Une expérience de deux ans, qu’il raconte dans son livre “Les aventuriers de l’Or Bleu”. Rentré de ce périple à la voile en 2007, il prend la direction de la collection Deyrolle pour l’avenir, une série de planches pédagogiques à destination du grand public, illustrant les enjeux du développement durable. Un travail qui lui permet de se frotter pendant 6 ans à plus de 200 sujets, des espèces en voie de disparition, à la rénovation thermique des bâtiments en passant par l’investissement socialement responsable et le cycle de l’eau. Il rencontre tout un réseau d’experts et d’entreprises prêtes à financer ces outils pédagogiques. Et comprend rapidement que le changement ne passera pas par la sensibilisation et la pédagogie : “On n’a jamais remporté une victoire écologique par l’éducation. Penser aujourd’hui qu’on va changer quelque chose par l’éducation, c’est oublier que le budget alloué à l’éducation à l’environnement représente 30 ou 40 millions d’euros tandis que celui de la publicité dépasse les 30 milliards. Pour un message qui invite les gens à faire mieux, 999 s’emploient donc à les convaincre de consommer, n’importe comment et quoi qu’il en coûte aux écosystèmes”.  

Une désillusion créatrice qui, loin de susciter l’abattement, l’incite à innover, se lancer dans une dynamique entrepreneuriale. Il fonde alors Blue Bees en 2012, la première plateforme de financement participatif habilitée à proposer du prêt rémunéré aux internautes, entièrement dédiée aux projets de développement de l’agroécologie et de l’alimentation durable. “Un combat de longue haleine, puisqu’on s’attaquait au monopole des banques pour soutenir des initiatives citoyennes”, confie-t-il.  

« On n’a jamais remporté une victoire écologique par l’éducation. Penser aujourd’hui qu’on va changer quelque chose par l’éducation, c’est oublier que le budget alloué à l’éducation à l’environnement représente 30 ou 40 millions d’euros tandis que celui de la publicité dépasse les 30 milliards. »

S’inspirer du vivant pour créer des alternatives

En parallèle, il se passionne pour le biomimétisme, une approche qui entend trouver des solutions aux défis actuels en s’inspirant des technologies observées dans la nature, et lance l’association Biomimicry France, chargée de promouvoir le développement de ces méthodes. Ses recherches sur le biomimétisme l’emmènent naturellement vers la permaculture. “Je comprends à ce moment-là que la première brique du nouveau modèle que nous devons construire, c’est l’alimentation”, ajoute-t-il. “C’est ce besoin fondamental de se nourrir qu’il faut absolument réinventer en priorité”.  

L’entrepreneur peut alors compter sur l’activité agricole de sa sœur pour comprendre les enjeux du secteur et se former au maraîchage biologique sur la Ferme du Bec-Hellouin, avant de créer Fermes d’avenir en 2013, une association ayant pour vocation d’accélérer la transition agricole. La ferme de La Bourdaisière, ferme expérimentale originelle, voit le jour en Indre-et-Loire, avec pour mission de démontrer que l’agriculture naturelle est plus rentable et désirable que l’agriculture chimique. 

Tour à tour agriculteur et lobbyiste, il entame alors un parcours de plaidoyer, participe notamment aux États généraux de l’alimentation lancés en 2017 et défend 11 amendements. Si le militant sait comment pousser les portes du pouvoir et bousculer les politiques, un seul d’entre eux sera finalement voté. Puis rejeté par le Conseil constitutionnel, saisi par le ministre de l’Agriculture.   

“Pas de transition écologique sans transition démocratique”

Une fois n’est pas coutume, Maxime de Rostolan n’abandonne pas. “Après le rejet de ces amendements, je comprends que les solutions, nous les avons, mais que ce qui bloque, ce sont nos institutions”. Chaque heurt semble lui servir de carburant pour questionner les moyens de l’action politique : “C’est à ce moment-là que je décide de créer La Bascule, un mouvement de lobbying citoyen pour la transition écologique, très politique mais apartisan”.  

L’idée est de rassembler un collectif de citoyens engagés pour “faire basculer la société”, en faveur d’une transition écologique, sociale et démocratique. S’organiser, agir, “reprendre la main sur notre avenir”. Un projet né en 2019 à la suite d’un week-end festif. Car Maxime de Rostolan ne s’en cache pas, sa vraie passion, c’est organiser des fêtes. Soucieux de faire émerger collectivement des solutions pour demain, il invite 140 personnalités influentes à la ferme de La Bourdaisière, pour un grand événement sur le thème “Quelle grande fête rendra irrésistible l’émergence d’un mouvement citoyen”? Artistes engagés, militants, personnalités de l’ESS et entrepreneurs trinquent ainsi à la santé d’un monde meilleur. 

Peut-être car trop arrosé, peut-être car trop ambitieux, le weekend ne parvient pas à réenchanter en 3 jours l’engagement citoyen, avoue volontiers Maxime de Rostolan. Mais, il aura permis de faire mûrir l’idée de La Bascule et de présenter le concept la semaine suivante devant un collectif d’associations étudiantes, qui rejoignent le projet. Aujourd’hui, La Bascule a investi deux lieux, en Bourgogne et en Bretagne, et continue de mettre en place des projets de territoire, en créant un espace-temps dédié à l’engagement.  

“Si tu voyages loin, voyage longtemps”

Nourri par toutes ces expériences, l’entrepreneur se tourne vers la défense de l’agroforesterie. Le programme Planteurs d’avenir s’ajoute alors en 2020 à sa longue liste de projets. Le but : créer un réseau de pépinières participatives où chacun se mobilise en faveur de dynamiques agroforestières durables. À cette époque, les élèves de 6ème ne sont pas encore enjoints par le Président de la République à planter un arbre pour la rentrée scolaire, mais la plantation de haies champêtres est déjà une nécessité pour compenser l’empreinte carbone de nos activités. Maxime de Rostolan reprend le chemin du lobbying pour convaincre le Ministère de l’agriculture de financer l’essaimage de 200 pépinières sur tout le territoire et atteindre l’objectif de 25 000 km de haies par an, pendant 30 ans.  

Les négociations patinent et c’est finalement l’émergence d’un énième nouveau projet qui relance l’entrepreneur. Cette fois-ci, autour du voyage. La veille de ses 40 ans, il témoigne sur ses réseaux sociaux de projets qu’il a imaginés mais qui n’ont pas vu le jour. Marqué par l’aventure de la Transatlantique par laquelle il avait terminé son tour du monde, il présente alors le concept d’une coopérative de voyage à la voile. Le projet fait le buzz. Cet homme de réseau parvient rapidement à fédérer autour de lui une équipe d’une dizaine de profils pour monter à bord de cette nouvelle aventure entrepreneuriale.   

Le projet prend racine à Vannes et le nom de Sailcoop. Véritable alternative à l’avion, et à contre-courant de l’innovation technologique, la coopérative entend réconcilier voyage et protection des écosystèmes en naviguant par la seule force du vent. “Ce qu’on vend, c’est une aventure. On rend accessible une expérience, normalement réservée à une élite qui peut payer des croisières. Nous, nous proposons une expérience complète, qui comprend le transport, l’hébergement, la nourriture. Et une manière de réenchanter le voyage en le rendant plus compatible avec le monde”.   

L’offre séduit déjà un nombre croissant d’écolos convaincus ou curieux. Et Sailcoop a de beaux jours devant elle. De nouveaux bateaux en construction, de nouvelles destinations (après Saint-Raphaël-Calvi, bientôt les Glénans, l’île de Groix ou Porquerolles et, car pourquoi voir petit, des transatlantiques dans les années qui viennent), et de nouveaux voyageurs à bord. Quant à Maxime de Rostolan, qui sait sur quelle nouvelle vague d’engagement il naviguera à l’avenir ! 

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