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11.01.23

Maïlys Cantzler, serial entrepreneure

       Pionnière. Un qualificatif qui sied particulièrement à Maïlys Cantzler, qui fut l’une des premières à ouvrir une crèche privée en France, puis à penser l’habitat inclusif dans le domaine de l’économie sociale et solidaire (ESS) avec HOMNIA, le club des six. Portrait d’une entrepreneure qui réussit à concilier social et capital.

Étudiante à HEC, Maïlys Cantzler postule à la majeure Entrepreneurs qui lui est refusée. Son CV, fort de deux stages dans la grande distribution, est jugé trop orienté “grands groupes”. Une déconvenue que nous raconte aujourd’hui avec le sourire celle qui est devenue depuis une serial entrepreneure à succès.

Les vertus de l’échec

Jeune diplômée, elle réalise son stage de fin d’études puis obtient son premier CDI chez AOL, où elle accompagne en 1999 la création de la toute première chaîne de shopping sur Internet. Une période grisante, où en moins d’un an, les internautes français passent de 100 000 à 1 000 000. Internet apparaît alors comme le nouveau secteur économique à investir et pousse chacun à réinventer son business pour profiter de l’explosion du commerce électronique. Telle une ruée vers l’or, de nombreux entrepreneurs se lancent dans l’aventure. Maïlys Cantzler, avec l’un de ses clients, crée une entreprise dont l’objet est d’étudier les comportements d’achat des internautes. L’idée est belle et novatrice. Trop. Le marché vient de s’ouvrir et encore peu de gens achètent en ligne. Les données récoltées ne sont pas viables et l’aventure s’arrête au bout de deux ans. « Cet échec a été déterminant dans ma vie professionnelle. J’ai beaucoup appris. Par exemple, n’ayant pas les capacités de remplacer ma responsable financière, je lui ai demandé de me former à la comptabilité avant son départ. C’est elle qui m’a enseigné l’importance de suivre de près les indicateurs financiers. »

Un échec dont elle se relève rapidement. Lorsque le bilan est déposé, coup de chance, le remboursement du crédit impôt recherche vient d’intervenir, ce qui éteint les dettes de l’entreprise. Celle-ci est liquidée à l’amiable et aucune inscription au Fichier des incidents de remboursement des crédits (FICP) n’est enregistrée.

La chance sourit aux audacieux

Forte de cette expérience, Maïlys Cantzler accompagne des entrepreneurs en proie à des difficultés financières. Elle découvre alors le milieu de la petite enfance. Et un paradoxe : alors que la demande est plus forte que l’offre, les crèches sont déficitaires. Ceci s’explique : la direction financière des crèches est confiée à des puéricultrices ou des éducatrices de jeunes enfants qui n’ont aucune formation sur le sujet. Nous sommes au début de l’année 2003, le secteur est encore fermé aux acteurs privés. La jeune entrepreneure décide de proposer ses conseils sur la partie gestion/management des associations gestionnaires de crèches.

Deux mois plus tard, deuxième coup de chance. Le gouvernement ouvre le secteur des crèches aux acteurs privés. L’idée est d’inciter des sociétés privées à investir dans le financement de places de crèches pour leurs salariés. Maïlys Cantzler profite de son temps d’avance et crée sa structure, Crèche Attitude. Celle-ci va bénéficier pendant 10 ans d’une succession d’événements positifs en faveur du développement de son activité : crédit impôt famille, exonération de TVA, évolution des mentalités avec la sensibilisation à l’importance de concilier vie personnelle et professionnelle. Son entreprise se développe rapidement : en 10 ans, les 45 millions de chiffre d’affaires sont atteints, 100 crèches sont ouvertes dans toute la France, portées par 1 500 collaborateurs. Des chiffres vertigineux alors qu’aucune levée de fonds n’a jamais été réalisée. Un enseignement de sa précédente expérience : « J’avais fait d’importantes levées de fonds et dépensé l’argent sans générer du chiffre d’affaires. Quand j’ai lancé Crèche attitude, chaque euro investi devait générer un bénéfice ou du moins parvenir à l’équilibre sans créer de pertes… Avec 80 000 euros de capital, nous avons réussi à développer un groupe de 45 millions de CA. » Des montants qui sonnent également comme un déclic : « Je m’étais toujours dit que le jour où cela deviendrait trop gros, nous remettrions la société entre les mains de quelqu’un qui saurait faire et pourrait encore mieux la développer que nous. Nous l’avons donc cédée au groupe Sodexo. »

Le tournant vers l’ESS

En 2013, l’entrepreneure fait le souhait de se consacrer à ses deux enfants, alors âgés de 6 et 1 ans, tout en ayant à cœur de développer un projet personnel. Pour sa sœur, devenue handicapée à la suite d’un accident de voiture, elle imagine le projet HOMNIA le Club des six, un lieu de vie pour personnes en situation de handicap, ​permettant de ​partager un espace, un quotidien et des services d’aide. Sa sœur nécessite une présence 24h/24, or elle bénéficie seulement de six heures de prise en charge quotidienne. L’idée – tellement novatrice que la législation ne l’autorisait pas encore – ouvre une troisième voie entre l’établissement spécialisé et la domiciliation chez des aidants, en partageant les heures propres à chaque habitant.

Inauguré en 2014, ce premier espace d’habitat inclusif est financé notamment par la vente de Crèche Attitude. Un succès. Les progrès réalisés par sa sœur et ses colocataires en termes de développement et d’épanouissement sont impressionnants. Le projet mérite d’essaimer ! Mais pour le développer, il faut investir et notamment dans la réalisation de chaque nouveau bâtiment. La chance frappe à nouveau, lors d’une rencontre avec Amundi, qui décide d’investir avec son fonds d’épargne solidaire Finance et Solidarité. Un fonds nouvellement créé ayant pour objectif de faire rimer social et capital. Depuis, le Groupe accompagne HOMNIA en réinvestissant chaque année dans la foncière qui porte les projets.

Avec HOMNIA, Maïlys Cantzler œuvre pour une société plus inclusive et répond aux évolutions souhaitées par la société française. Solidarité, développement de l’autonomie, mais aussi liberté et autodétermination, chaque colocataire est coopté par les autres habitants en fonction de son tempérament, ses projets de vie, ses envies d’activité…

Ces colocations répondent aussi à une problématique financière. Vivre en établissement a un coût deux fois plus élevé. En juin 2020, le rapport intitulé : « Demain je pourrai choisir d’habiter avec vous » de Denis Piveteau et Jacques Wolfrom estimait que d’ici la fin de la décennie, 100 000 personnes vieillissantes en perte d’autonomie et 50 000 personnes handicapées vivront en habitats inclusifs. C’est ainsi l’un des rares secteurs bénéficiant d’une augmentation conséquente de financements publics (x 70 depuis 2017).

De nouveaux projets à venir

Instinctive, déterminée, Maïlys Cantzler est une entrepreneure passionnée. Elle a de grandes ambitions pour HOMNIA : 14 colocations ont été ouvertes dans 10 départements français et une trentaine devrait ouvrir d’ici 2030. Visionnaire, au cœur de l’économie sociale et solidaire, elle s’engage également auprès d’entrepreneurs qu’elle accompagne financièrement et qu’elle assiste dans le déploiement. Citons Lilote, une application ludoéducative qui encourage les enfants à la lecture en leur proposant de répondre à des quiz sur des livres qu’ils ont lus. Autre projet, la startup Houmni qui propose, pour celles et ceux qui veulent adopter un mode de vie plus sobre, des maisons autonomes en eau et en électricité, déplaçables au gré des envies.

Une success story pour celle qui, clin d’œil du destin, a remporté deux fois les prix Mercure HEC, un concours qui met en lumière la diversité des initiatives entrepreneuriales au sein de l’écosystème HEC et qui fait même désormais partie du jury.

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