En France, près de 85% des fleurs coupées proviennent de Colombie, du Kenya ou d’Équateur. Dans la majorité des cas, elles transitent aux Pays-Bas avant d’atterrir sur les étalages des fleuristes français. Une importation qui, selon une étude de l’Université de Lancaster, produit en moyenne 30 fois plus de carbone que les fleurs cultivées localement. Face à cette absurdité écologique, Hortense Harang et son associée Chloé Rossignol ont l’idée de fonder Fleurs d’ici, une start-up qui recrée des circuits courts de production et de distribution de fleurs issues de l’horticulture française. Une création qui fait écho à ses souvenirs d’enfance « Petite, j’ai beaucoup observé la nature avec ma grand-mère. En grandissant, j’ai rapidement observé que l’offre proposée par nos fleuristes était la même toute l’année et donc déconnectée des saisons », raconte l’entrepreneuse.
Se positionner en éclaireur
Si aujourd’hui, nombre de consommateurs se questionnent sur la provenance des produits qu’ils achètent, c’est beaucoup moins le cas en 2017, au lancement de Fleurs d’Ici. Grâce à ses précédentes expériences, notamment dans les médias et la communication, Hortense Harang a su intéresser les journalistes et les sensibiliser aux questions environnementales. « Savoir raconter une histoire permet d’intéresser la presse, et de fait la société », confie-t-elle. « Mais également d’amener des financements. Nous avons eu deux levées de fonds : la première avec des Business Angels et la seconde avec des fonds très engagés soutenant notre action de transformation. »
Différents facteurs ont favorisé cette appétence pour les produits locaux. C’est notamment le cas du Covid-19 qui a bouleversé les habitudes de consommation. Les ventes de Fleurs d’ici ont augmenté de 500% lors de la crise sanitaire. « Il y a quatre-cinq ans, il fallait générer de l’attraction commerciale. Aujourd’hui, les clients sont en demande de circuits courts. C’est un véritable enjeu de résilience », souligne la dirigeante.
« Aujourd’hui, les clients sont en demande de circuits courts. C’est un véritable enjeu de résilience . »
Devenir l’Amazon du local
Fleurs d’Ici s’appuie sur la plateforme numérique « WeTradeLocal », qui permet de suivre le circuit d’une fleur, de sa cueillette jusqu’au vase où elle est déposée. L’objectif : livrer des fleurs fraîches coupées le jour de la commande et préparées par un fleuriste à proximité des consommateurs. « Lorsque l’on souhaite proposer des fleurs sans leur imposer de traitement chimique, cela impose une logistique exigeante sur 24 heures. Les fleurs sont des produits fragiles qui ne se conservent pas », explique l’entrepreneuse.
En collectant des données à toutes les étapes de la vie du produit, en gérant la filière « de la graine au vase », Fleurs d’Ici parvient à réaliser du prédictif grâce à ses historiques du marché. Une avancée qui optimise l’ensemble de la chaîne logistique, et évite ainsi les pertes. Auparavant, un producteur de fleurs pouvait en effet jeter jusqu’à 50% de sa marchandise en cas d’invendus. Un gaspillage de matières premières aux lourdes conséquences économiques et écologiques.
La start-up a également su conquérir les producteurs. Au-delà des avantages rendus possibles par la technologie – simplification logistique, optimisation des process – Fleurs d’Ici s’est aussi fait le porte-voix de toute une profession, en mettant en lumière leurs difficultés et en recréant du lien entre producteurs et consommateurs.
Fleurs d’ici a pour ambition de devenir le leader du premier kilomètre. « Nous devons répondre à une problématique : comment consolider les flux et les volumes afin que les produits locaux soient aussi compétitifs que ceux provenant de l’autre bout du monde ? Si nous parvenons à les optimiser, nous arrivons à des circuits normaux », affirme l’entrepreneuse. En cas de fermeture des frontières, la maîtrise de l’approvisionnement local et de la traçabilité sont des éléments indispensables pour éviter les pénuries. Un enjeu d’avenir pour Hortense Harang, qui souhaite décliner le concept de Fleurs d’Ici à d’autres filières dans les prochaines années : alimentation, textile… la start-up est en voie de développer de nouvelles cordes à son arc.