13.02.23

Flora Vidal Marron, l’engagement pour fil d’Ariane

       Issue d’une famille engagée, Flora Vidal Marron s’est impliquée dès ses études pour l’intégration des personnes migrantes. En 2015, elle crée d’abord une association, qui deviendra ensuite une entreprise sociale « Weavers ». Au commencement, il s’agit de créer du lien social, d’en être les tisserands (« Weavers » en anglais) pour, de fil en aiguille, proposer un vrai parcours de formation et d’intégration. Retour sur un engagement qui fait l’étoffe des décideurs.

Un costume militant à sa mesure

La conscience politique de Flora s’aiguise jeune, entourée par une famille impliquée dans le secteur social et syndiquée, où les débats de société s’invitent dans les discussions quotidiennes. Très jeune, elle prend conscience des disparités du monde, lorsqu’elle rencontre des mineurs ayant fui leur pays pour rejoindre la France à la recherche d’un avenir à écrire.

Durant ses études, les stages à l’étranger se transforment en occasions de s’engager pour des causes variées, de l’organisation de la GayPride à Montréal, à l’enseignement du français aux populations syriennes qui fuient la guerre civile en direction d’Istanbul. Son constat se forge : si les États faillissent, c’est le secteur associatif qui a la capacité de fournir des réponses concrètes et adaptées.

De retour de Turquie pour son master à l’Institut d’Administration des Entreprises (IAE) de Lyon, aidée par l’incubateur de projet Enactus France, elle mène une étude de besoin auprès de personnes résidentes dans un centre pour demandeurs d’asile, dont le statut ne donne pas le droit au travail. Il en ressort une idée simple : proposer aux exilés, notamment aux femmes, de prodiguer des cours de couture aux Lyonnais qui le souhaitent et ainsi faire connaissance avec le pays tout en valorisant leurs savoirs. L’initiative est un succès, en trois ans près de trois mille personnes participent aux ateliers de l’association « Tissu Solidaire ».

De l’associatif à l’entrepreneuriat

Devenue responsable pour la Région de Lyon au sein de l’incubateur d’entrepreneuriat social Ronalpia où elle soutient des porteurs de projet, elle réalise l’immense potentiel de Tissu Solidaire. Elle veut aller encore plus loin car si créer du lien social est un préalable, cela n’assure toujours pas une vie digne aux réfugiés.

Le projet change d’échelle et devient Weavers en 2019, en axant son travail sur la pré-formation, en amont des formations qualifiantes vers l’emploi. Ce virage n’est pas sans conséquences, le public se restreint désormais aux personnes régularisées, et non plus aux demandeurs d’asile. Pour Flora c’est un enseignement, l’entrepreneuriat social est un balancement permanent entre l’impact social du projet, sa rentabilité économique et les priorités des politiques publiques. Fine est la corde du funambule.

L’école dispense des cours de français, livre des conseils de savoir être, propose une remise à niveau sur les compétences numériques et s’attache à donner confiance aux participants en affirmant leur légitimité à rêver d’une (autre) carrière.

L’impact est au rendez-vous. Devenu organisme certifié de formation, Weavers accompagne 600 personnes entre 2019 et 2022 dont 70% sont en emploi, et se fixe l’objectif d’en accompagner 600 supplémentaires rien qu’en 2023. Les partenariats se concrétisent et se renforcent, notamment dans le secteur de l’hôtellerie-restauration et du bâtiment, venant soutenir des secteurs en tension de l’économie régionale.

Se projeter loin en toute franchise

Weavers continue de faire des émules. Grâce au programme lancé sous François Hollande « La France s’engage », qui soutient le changement d’échelle des projets de l’économie sociale et solidaire, une antenne a ouvert à Annecy et une autre devrait voir le jour à Grenoble. À moyen terme, l’objectif est ambitieux : devenir une tête de réseau avec des organismes franchisés partout en France, en diffusant ses contenus pédagogiques ou en accompagnant le recrutement des professeurs. 

Flora souhaite porter une réflexion globale sur la politique d’intégration en France, prenant notamment exemple sur l’Allemagne, où la régularisation s’effectue plus rapidement, avec 90% de personnes en emploi au bout d’un an, très loin du faible taux français (42%). Un combat politique, à la croisée de ses différentes facettes d’entrepreneuse, de militante et de femme engagée.

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