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Le 10 février dernier, Emmanuel Macron annonçait à Belfort une série de mesures en faveur de la filière nucléaire dont la première « gagner en sobriété pour baisser de 40% nos consommations d’énergie ». Dans les années 1970, après la publication du Rapport du Club de Rome, est apparue l’idée que notre croissance exponentielle pourrait nous conduire à notre perte. Le futur devint de plus en plus hasardeux ; rappelant le catastrophisme des sociétés archaïques, à cette différence que la fin des temps ne serait ni le fait des dieux ni celui d’un quelconque accident cosmique, mais le fait de l’humanité elle-même.

Ainsi, dans notre société d’abondance, face à l’urgence climatique et aux enjeux de ressources, ceux qui prônent la décroissance sont de plus en plus nombreux mais un courant alternatif voit le jour, celui de la frugalité qui constitue une forme de rééquilibrage vers plus de sobriété. Dérivé de frux le fruit, frugalis signifie initialement « qui produit ». Fructueux et frugal sont donc plus que parents, presque équivalents. Quand on évoque la sobriété et la frugalité, on pense automatiquement à deux livres de référence sur le sujet : celui de Jean-Baptiste de Foucauld, L’abondance frugale et celui de Pierre Rabhi, Vers la sobriété heureuse. La sobriété c’est l’économie des ressources mais c’est avant tout une démarche d’ascèse personnelle. La frugalité c’est la capacité à faire fructifier les ressources dont on dispose sans en abuser. C’est la conception d’un système économique viable et durable qui permet à l’individu de rester pleinement en capacité d’agir et d’être maître de ses actions. Elle suppose créativité et débrouillardise, on est donc très loin de la privation et de l’ascèse, d’où la possibilité de parler d’abondance, quand la sobriété évoque la soumission à des contraintes. 

Bien sûr, passer de 11 tonnes à 2 tonnes d’équivalents CO2 consommés annuellement ne se fera pas sans sacrifice comme en témoignent les défis de la Cop26. Comment définir par exemple un accès équitable à l’énergie et aux biens quand une large part de la population vit déjà une sobriété qu’elle n’a pas choisie ? La sobriété peut amener des résistances si elle n’est définie que par des comportements individuels et des injonctions souvent contradictoires. Elle doit être au contraire une façon de s’organiser collectivement. Les États doivent agir de toute urgence pour éviter l’écueil d’une écologie punitive que viendrait sanctionner la lenteur de leurs décisions : nous devrons faire preuve de volontarisme et de foi en notre capacité à changer, à « vivre simplement pour que simplement d’autres puissent vivre ».

Citoyens, nous sommes et resterons des colibris pour « faire notre part », engagés dans des modes de consommations raisonnés. « La société de consommation est une expression légèrement infâme, née du fantasme de grands enfants déçus d’avoir été trop gâtés. Ils n’ont pas la force de se réformer et rêveraient qu’on les contraigne à la sobriété. », Sylvain Tesson.

Delphine Jouenne