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Le projet de réforme des retraites a donc été voté dans la nuit de samedi à dimanche par un scrutin permettant à la majorité d’obtenir 195 voix contre 112. La semaine qui vient s’annonce décisive avec la fin de la navette parlementaire qui pourrait contraindre le gouvernement à dégainer l’article 49.3. La commission mixte paritaire (CMP) entrera en scène mercredi, réunissant 7 députés, 7 sénateurs, et autant de suppléants dans une salle à huis clos du Palais Bourbon avec l’objectif de parvenir à un compromis. Si les députés et sénateurs s’accordent, le texte remanié devra être validé au Sénat, puis à l’Assemblée. Ce dernier vote, s’il est positif, vaudra adoption définitive par le Parlement. 

Le mot scrutin apparaît l’année de la Révolution française lorsque les députés décident que les élections se feront par voie de scrutin, ce qui imposait à l’époque de savoir écrire un nom sur le bulletin de vote. Le terme vient du domaine religieux selon Pierre Richelet en 1680. La première édition du dictionnaire de l’Académie(1694) donne comme seule définition du mot : « Manière dont les compagnies procèdent dans les élections qui se font par suffrages secrets. » Le terme s’enveloppe de secret, reposant sur un examen de conscience.

Scruta en latin désigne les vieux vêtements, ceux que l’on cherche à sauver. Le latin ecclésiastique procédait par métaphore : scruta désigne les hardes, les vieilles défroques que fouillent les chiffonniers à la recherche d’un vêtement à sauver… Entre une conscience encombrée de péchés et un sac saturé de linges tachés, la différence est-elle si grande  ? Drôle d’origine de notre scrutin, qui a la rigueur d’un examen de conscience exercé sous la surveillance scrupuleuse de scrutateurs patentés.

Décidément, les Français sont bien un peuple à part, laïc en diable et pétri d’héritage chrétien ! On cherchera en vain pareille approche chez nos voisins : pour traduire 
scrutin, les Italiens disent votazione, les Espagnols, votación, et les Anglais, ballot, par référence aux petites balles que l’on utilisait lors des votes et dont nous avons gardé trace dans l’expression être en ballotage 

Voyons ce qui le définit alors : « Chaque citoyen passera dans une chambre particulière divisée en plusieurs cases, où il écrira sans être vu. Vœu exprimé, il pliera le papier, y imprimera le cachet national et ira déposer son scrutin dans une boîte fermée. » (Jacques-Victor Delacroix,  Le Spectateur français pendant le gouvernement révolutionnaire, Paris, an IV). Vous remarquez certainement combien l’accent est mis sur le secret. Tout est là. 

La langue ecclésiastique comporte néanmoins d’autres acceptions courantes au XVIIème siècle :faire le scrutinconsiste pour le supérieur à examiner l’opinion des religieux auxquels il pense confier un office. Le scrutin est même une cérémonie durant laquelle les catéchumènes sont interrogés sur la foi. 

Delphine Jouenne