« Moi, je vous dis que l’on a un droit à la paresse, on a un droit à la transition des métiers » déclare Sandrine Rousseau. Ce « droit à la paresse » est le titre d’un ouvrage paru en 1880, écrit par Paul Lafargue, économiste, journaliste, et gendre de Karl Marx. Mais c’est avant tout, comme il est écrit dans cet essai, une réfutation du droit au travail de la Déclaration universelle de 1848. Dans son livre, Paul Lafargue estime que, face au volume de travail trop important, les rendements augmentent et incitent les bourgeois à davantage consommer. Nous sommes donc loin de la sobriété et de la décroissance. En philosophie, Montaigne condamne la paresse mais prône « une muette tranquillité » pour mener une existence paisible. Pour Diderot, la paresse est un vice car il faut entraîner son cerveau sinon il ne pensera plus…Pour Cioran, au contraire, « pour entrevoir l’essentiel, dit-il, il ne faut exercer aucun métier. » (Aveux et Anathèmes). Puisque « le travail permanent et soutenu abrutit, banalise et rend impersonnel » (Sur les cimes du désespoir). La philosophie s’est donc, de tous temps, posé cette question de la paresse et du travail.
Le mot paresse vient du latin pigritia, dérivé de l’adjectif piger qui signifie indolent, peu travailleur. Le mot traduit initialement la disposition habituelle à ne pas travailler et par extension le manque d’énergie face à une tâche. C’est également l’un des sept péchés capitaux…
La difficulté du raisonnement de Sandrine Rousseau porte davantage sur ses contradictions, entre volonté de supprimer le travail agricole mécanique pour créer des emplois d’une part et revendication au droit à la paresse de l’autre. C’est également faire fi du combat des femmes pour travailler. Cette revendication à la paresse remet sur le devant de la scène la définition même du travail qui, pour certains, est synonyme de souffrance (harcèlement, burn-out…) alors que pour d’autres, il permet de se réaliser et trouver une forme d’épanouissement voire d’émancipation. Selon une étude Philonomist en partenariat avec l’IFOP, 82% des sondés estiment que l’entreprise est responsable du bonheur de ses salariés. Parmi les sources de satisfaction, pour 30% des personnes interrogées, la reconnaissance de la valeur travail. Peut-on à la fois revendiquer la valeur travail et le droit à la paresse ? Sont-ils forcément incompatibles ? La question mérite d’être posée. De plus, au-delà du buzz de la petite phrase polémique, qui financera ce droit ?
Delphine Jouenne