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Quel terrible spectacle que celui qui s’est joué ces 15 derniers jours sous les dorures de l’Assemblée, siège depuis 200 ans de la représentation nationale… C’est le bilan amer et unanime que nous pouvons dresser de ces débats ou plutôt devrions-nous dire ce refus de débats. Entre invectives, accusations, violence, mensonges, médiocrité… nous avons assisté à une dégradation du débat politique. Autopsie d’une obstruction, de ce gâchis parlementaire qui peut nous faire craindre le pire dans les mois et les années à venir. 

Le verbe obstruer est emprunté du latin médical et signifie fermer, boucher, engorger, par exemple un vaisseau. Obstruction vient du latin obstructio qui se traduit par voile ou dissimulation. Au XVIIème siècle, le mot prend la signification de ralentissement dans le domaine commercial. Ce n’est que vers 1890 qu’il prend le sens de ralentissement en politique sous l’influence de l’anglais pour exprimer le ralentissement du travail des institutions. Aux Etats-Unis, le filibuster désigne la procédure d’obstruction par laquelle les parlementaires peuvent parler sans limitation de temps à la tribune ce qui leur permet de monologuer des heures et même de lire des passages entiers de la Bible puisque jusqu’en 1917, seul l’orateur décide de céder ou non la parole. Même si au XXème siècle on a pu assister à de très longs débats, la France n’y est pas habituée. Jaurès s’exprima ainsi plus de trois heures à la tribune. 

Aujourd’hui, l’obstruction consiste essentiellement à noyer les débats sous un nombre incalculable d’amendements. Chaque député peut être amené à déposer à un amendement avec un délai de 72 heures avant la séance. Durant celle-ci, un amendement peut être déposé et accepté à la dernière minute. Il existe une multitude de possibilités pour amender un texte : suppression d’un passage, d’un mot, d’une ponctuation, modification d’un chiffre… On peut également ralentir l’examen d’un texte de loi, c’est d’ailleurs ce qui s’est passé pour le texte sur les retraites. On multiplie les demandes, on fait appel au règlement, on demande des suspensions de séance…tout est bon pour retarder l’examen du texte.  

Depuis la création de ces fenêtres parlementaires en 2009, les gouvernements qui se sont succédé pouvaient s’appuyer sur une majorité absolue. La question de l’obstruction par la majorité ne se posait pas. Or, depuis l’année dernière et les dernières élections législatives, le gouvernement doit composer avec une majorité relative de 251 députés ce qui est totalement inhabituel. 

Avons-nous les politiques que nous méritons ? Face au spectacle imposé de ces derniers jours, le débat auquel nous avons assisté nous a laissé une vague odeur d’égout…obstrué. Mais attention, car selon Alexis de Tocqueville, « La communauté des haines fait presque toujours le fond des amitiés ». Le constat est bien triste et nous pouvons légitiment souffrir de démostalgie, cette tristesse que nous ressentons face à la dégradation du dialogue avec nos représentants politiques mais aussi de leur représentation. 

Delphine Jouenne