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D’ici le 25 août, Twitter devra renforcer ses moyens pour se conformer au DSA (Digital Services Act), l’ambitieuse nouvelle législation européenne destinée à lutter contre la désinformation et la haine en ligne, a averti jeudi le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, après sa rencontre avec Elon Musk en Californie.

Alors que les géants du Web viennent de procéder à des licenciements massifs au sein de leurs équipes de modération, ce texte européen impose une longue liste d’obligations aux plateformes en matière de contrôle des contenus illicites ou préjudiciables, dans l’espoir de réguler les excès des réseaux sociaux.

Car de la liberté d’expression à la démesure, il n’y a parfois qu’un pas, si l’on en croit les multiples scandales liés aux médias sociaux et à leur toute puissance. « Twitter est une place publique numérique commune, où une vaste gamme de croyances peuvent être débattues d’une manière saine, sans recours à la violence », écrivait le propriétaire de Tesla dans un tweet pour officialiser son rachat de la plateforme en novembre dernier. Dans les faits, la réalité est bien différente de l’idéal de pluralité et d’horizontalité des opinions défendu par Elon Musk, qui affirmait encore le mois dernier refuser l’idée d’une « censure » de Twitter au nom du principe de « liberté d’expression ».

Modérer, est-ce pour autant censurer ? Le terme modération, apparu au XIVe siècle est emprunté du latin moderatio, soit l’action de mesurer, de tempérer. La modération renvoie ainsi à l’idée de sage mesure, dans ses opinions, dans ses actes ou dans ses jugements. En droit, la modération d’une peine ou d’une amende traduit également la notion de réduction, l’action d’adoucir, de rendre moindre, ou plus acceptable. La modération des extrêmes et des discours de haine sur les réseaux sociaux est en ce sens avant tout un outil pour protéger cet espace de délibération des limites de l’acceptabilité, de l’hybris et de la violence.

Et si ce bras de fer entre partisans d’une liberté d’expression maximaliste et régulateurs européens invitait à réhabiliter le courage de la nuance, du “juste milieu” cher à l’éthique des philosophes grecs ? Aristote, pour qui la vertu est un juste milieu situé entre deux extrêmes, deux excès contraires, nous enseigne dans son Éthique à Nicomaque que “la tempérance et le courage se trouvent ruinés par l’excès ou une pratique insuffisante, tandis que la modération les conserve.”

Pour préserver nos lieux (physiques et numériques) d’expression, de débat et de dialogue, faisons le vœu que la nuance retrouve toutes ses lettres de noblesse et soit consommée…sans modération !

Delphine Jouenne