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La semaine dernière une marche était organisée par les partis de gauche pour soutenir le maire Yannick Morez, au centre de l’attention depuis l’annonce de sa démission après l’incendie criminel de son véhicule et d’une partie de sa maison. Le problème est profond, tragique. Ces derniers mois, nous avons été parfois les témoins de situations intolérables qui ont particulièrement mis à mal notre collectif. Les agressions envers les élus ont augmenté de 32% l’année dernière. Comment en est-on arrivé là ? 

Sur le fil ténu de notre rapport à la vérité, nos certitudes ont été mises à rude épreuve. Les passions tristes : colère, indignation, haine, se sont développées avec plus de vigueur. Le dialogue est rompu car la confiance n’est plus. Cette fracture sociale, alimentée par le désir d’immédiateté, insuffle peu à peu la mort du « nous ». Depuis plusieurs mois, voire plusieurs années, des intellectuels, chercheurs, philosophes, professeurs dressent ce même constat alarmant d’un affaiblissement des croyances collectives, fruit d’un désenchantement progressif vis-à-vis du contrat social et dans une certaine mesure de la démocratie représentative. Nous ne faisons plus société, nous faisons désormais système. 

La lassitude s’est installée, se radicalisant en défiance vis-à-vis des institutions, de leurs représentants mais également de son prochain. Entre guerre des convictions et paix des compromis, notre organisation politique ne nous a jamais semblé aussi fragile, alors même qu’elle représente le fondement de notre collectif. C’est cela la Démostalgie et l’objet du néologisme que j’ai créé et expliqué à travers un ouvrage dédié. 

Le néologisme démostalgie est construit sur le grec demos qui signifie le peuple. Le suffixe « algie » du grec algos se traduit par douleur ou tristesse en français. Le terme fait également écho à la définition initiale médicale de la nostalgie, donnée par Johannes Hofer en 1688 pour désigner le mal du pays ressenti par les migrants ou les soldats par exemple. Dans sa thèse Dissertation médicale sur la nostalgie, il décrit le désarroi émotionnel de certains mercenaires suisses au service de Louis XIV contraints de rester loin de chez eux et affectés par un mal les conduisant à la mort s’ils ne rentraient pas. Un éloignement digne des compagnons achéens d’Ulysse dans L’Odyssée. La démostalgie renvoie donc à la douleur de perdre son refuge, son lieu de réconfort et la perte de repères vis-à-vis des institutions mais surtout de leurs représentants. 

Y a-t-il quelque chose de pourri au royaume de France ? Une question shakespearienne que nous pourrions nous poser si nous envisagions le sujet sous un angle négatif. Faisons le choix, au contraire, de l’optimisme car des solutions existent. La rupture offre généralement une seconde chance, une forme de renaissance ou de nouveau départ. Les propositions de la Ministre aux Collectivités, Dominique Faure sur le numéro d’urgence, la sensibilisation des forces de l’ordre et le renforcement des sanctions pénales sont une première étape car la confiance se rétablira aussi par une meilleure écoute de la part de l’État qui passe par le duo Préfet-Maire, parfois trop distant sur le terrain. La promesse et la confiance en l’avenir sont et seront toujours patientes et endurantes si nous ne tombons pas dans une forme d’accoutumance mais le temps presse. Réveillons-nous ! 

Delphine Jouenne

* Démostalgie, de rupture du citoyen avec le politique – Delphine Jouenne – Éditions Enderby 2023 

https://demostalgie.fr