L’issue ne faisait plus beaucoup de doutes depuis plusieurs mois : le principal opposant politique à Vladimir Poutine, Alexeï Navalny, a finalement trouvé la mort dans des circonstances suspectes alors qu’il était incarcéré pour « extrémisme » en Lamalie, dans les confins de l’Arctique.
De sa vie, on retiendra notamment son engagement sans faille pour préserver un semblant de démocratie dans une Russie gouvernée de manière autoritaire depuis maintenant plus de 25 ans. Un engagement qui l’aura amené, malgré le risque permanent d’une répression violente, à dénoncer la corruption du pouvoir et à défier – souvent seul – le locataire du Kremlin élections après élections. Si l’on est amenés à regretter certaines de ses prises de position en faveur d’un nationalisme aux relents xénophobes, on ne peut in fine qu’admirer le courage dont il aura su faire preuve, malgré l’adversité.
Le mot courage vient de cuer, le coeur. Jusqu’au XVIIe siècle, on employait les deux mots de façon indistincte. Cor, cordis en latin renvoie aux émotions, à l’intelligence et à la volonté, ces éléments déclencheurs du courage. La force est la toute première vertu (vertu est un dérivé du latin vis, la force). Dans l’Antiquité, c’est être capable de se battre, sans craindre la défaite, ni la mort, le courage se rapproche ainsi de la virilité. La virilité constitue donc le « nerf » du courage héroïque qui s’impose comme modèle. Selon Platon, le cœur, qui occupe une place intermédiaire entre la tête, la raison et le ventre, est le lieu du courage. Entre couardise et témérité, le courage articule ainsi la capacité de raisonner et de désirer.
À l’heure où le désengagement civique est de plus en plus marqué au sein de nos sociétés occidentales, au risque de détourner les yeux face à certaines dérives de nos démocraties, nous serions tous bien avisés de nous inspirer d’une trajectoire telle que celle d’Alexeï Navalny, à défaut de pouvoir l’imiter dans son jusqu’au-boutisme. Soucieux du destin de son pays et de ses citoyens, il a su se préserver du cynisme et du renoncement pour porter à travers ses actes l’idéal de société qu’il souhaitait voir advenir. Peu importe le prix.
La rédaction d’À priori(s)