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Abandon. Yannick Morez, maire de Saint-Brevin-les-Pins en Loire-Atlantique n’a pas mâché ses mots pour dénoncer l’absence de l’Etat à ses côtés à la suite de nombreuses menaces de mort jusqu’à l’incendie criminel de son domicile fin mars. Le maire, qui met en cause le soutien de l’Etat à ses côtés face aux intimidations de l’extrême-droite, a remis sa démission après 15 ans de mandat. L’Association des maires de France (AMF) a réclamé des réponses urgentes à la hauteur des enjeux.  

Le mot abandon dont on trouve les premières utilisations au XIIème siècle est issu de l’expression mettre a bandon qui signifie « mettre au pouvoir de quelqu’un ». Le terme a d’abord désigné l’action de renoncer à quelque chose en le mettant au pouvoir d’un autre. C’est à partir du XVIIème siècle que l’on emploie le verbe pour des personnes également.  

Souvent l’abandon est associé à la culpabilité, celle de l’enfant abandonné, persuadé in fine d’avoir une part de responsabilité dans la situation qui est la sienne. Le grec utilise le même terme prodisia, pour désigner à la fois l’abandon et la traîtrise. Le traître est celui qui donne par avance, qui paye d’avance et qui trahit. L’abandon n’est pas le contraire du don mais son simulacre. Le don présuppose un donateur mais également un receveur, finalement mis à distance et attaché à celui qui donne. L’abandon est donc un acte unilatéral qui nie l’autre en le délaissant et en le mettant à distance. C’est la trahison de Judas qui feint l’obéissance et qui désigne par un baiser celui qui doit être éliminé. Abandonner revient donc au contraire d’aimer.  

Les Français n’ont plus confiance dans presqu’aucun relai d’autorité ou d’intermédiation, que ce soit les partis politiques, les syndicats, les élus… D’ailleurs, les grands mouvements politico-associatifs qui ont eu lieu ces dernières années se sont faits en dehors des corps intermédiaires constitués (mobilisation pour le climat, gilets jaunes…). Ce discrédit de la parole politique conduit au sentiment de démostalgie mais également à des actions radicales ou des violences envers les élus. Pour justifier cette violence qui sévit actuellement, la radicalité est généralement appelée en renfort, étant considérée comme une justification possible à des actes réprimés par la loi.  

Comme le souligne Chloé Morin dans son ouvrage  Le Populisme au secours de la démocratie ? *: « tout comme le rejet des élites, la défiance, voire même la résurgence des violences politiques, le populisme, en fin de compte, serait seulement une manière non pas de défier la démocratie mais de tenter de la ramener à ses promesses initiales ». La rupture que nous vivons est donc l’épreuve de la maturité, une forme de prise de conscience de nos responsabilités face au système démocratique qui malgré tout reste ancré à notre histoire, à notre identité.  

* Chloé MORIN, Le Populisme au secours de la démocratie ?, Gallimard, 2021 

Delphine Jouenne