Pouvez-vous revenir sur la volonté affichée par Korian de devenir une société à mission ? Quelle est la réflexion qui a accompagné ce cheminement ?
En premier lieu, j’évoquerai les leçons apprises de la crise sanitaire : une forte angoisse et une très grande attente des Français en matière de santé. Ces attentes dépassent Korian mais constituent des enjeux sociétaux et citoyens de premier plan au même titre que l’école par exemple. Les études montrent, d’ailleurs, que depuis plus d’un an, la première préoccupation des Français est la santé, devant l’environnement. C’est un sentiment profond qui est révélateur des ressorts psychologiques à l’œuvre dans notre pays sur ce sujet.
La deuxième réflexion est inhérente à nos métiers du soin. Une révolution du traitement du grand âge est en train de s’opérer sous nos yeux. Il faut l’accompagner. Je parle ici de l’irruption – ou du retour – du domicile dans l’offre de soins et du fait que les EPHAD, pensés à l’origine comme des « lieux de vie », deviennent des « lieux de fin de vie ». Les attentes des Français se déplacent dorénavant vers le domicile nous engageant à couvrir l’intégralité du traitement de la fragilité humaine, des premiers signes jusqu’à la fin de vie. Le modèle, financé en grande partie par la solidarité nationale, se transforme en profondeur sous nos yeux.
Enfin, la crise globale du secteur et la méconnaissance perceptible de nos métiers nous poussent à nous questionner, à nous repenser. La sensibilité est exacerbée lorsqu’on touche à l’intime et il était donc nécessaire de rétablir, après la crise Covid, une relation apaisée avec toutes nos parties prenantes.
Tout cela nous a amenés, début 2021, à initier une réflexion sur le statut de société à mission et les implications que ce changement nécessite. La société évolue autour de nous et nous ne pouvons plus désormais dissocier le monde de l’entreprise et la société. Chacun se doit d’agir, à son échelle, et nous étions prêts à le faire.
Quel est le processus utilisé pour devenir une société à mission ?
Pour la Directrice générale Sophie Boissard, il était très important de prendre le temps et de partir à la rencontre de nos différents interlocuteurs afin d’agir efficacement et de préparer notre passage au statut de société à mission de manière concertée et co-construite avec toutes nos parties prenantes. C’est ce que nous avons fait pendant un an avec un groupe projet dédié qui a interrogé les résidents, les familles, les acteurs politiques et institutionnels, les salariés et leurs représentants, les médias et les financeurs.
C’est ainsi que nous avons pu formuler notre mission « Prendre soin de l’Humanité de chacun dans les moments de fragilité » et les cinq engagements associés : considération, équité, innovation, proximité et durabilité.
Cet exercice fut particulièrement délicat car chaque mot a été pesé et choisi avec précision. Ils sont désormais l’ADN du Groupe et nous engagent, tous.
Nous nous sommes aussi posé la question de l’articulation entre la RSE et les engagements de mission et nous avons conclu que les objectifs RSE venaient nourrir l’ambition de la mission. Nous avons donc créé une sorte de « hiérarchie des normes », sous forme pyramidale avec les trois valeurs de l’entreprise puis la mission, les engagements de mission et enfin la stratégie RSE et ses propres indicateurs qui contribuent directement à la réalisation de la mission.
Pourquoi avoir aussi opté pour un changement de nom et devenir Clariane ?
Le changement de nom n’était pas l’objectif initial mais les deux calendriers se sont alignés. Depuis longtemps, Sophie Boissard estimait qu’un nouveau nom devait mieux refléter les nombreuses marques et surtout activités du Groupe comme « Petit fils » par exemple (le second réseau privé français en nombre d’agences sur le secteur de l’aide à domicile pour personnes âgées en perte d’autonomie) ou « Ages & Vue » (colocations pour séniors) ou encore les activités de cliniques en santé mentale.
Il était donc nécessaire de créer une marque ombrelle qui puisse porter toutes nos activités du soin et incarner le nouveau projet d’entreprise « à vos côtés ».
Ce passage en société à mission est-il une valeur ajoutée pour la marque employeur et la reconnaissance des salariés ?
C’est un fait, la marque employeur du Groupe va désormais s‘articuler autour de la mission comme étant un élément de singularité et un différenciateur sur le marché.
Grâce au travail effectué en amont et aux consultations internes, ce nouveau statut devrait nous permettre de mieux recruter.
Au-delà de cet enjeu, les citoyens et collaborateurs attendent de plus en plus des entreprises qu’elles prennent le relais des pouvoirs publics. Nous en sommes conscients même si un des enjeux de la société à mission est de ne pas se disperser voire de se perdre en voulant évoquer tous les sujets. Il faut savoir placer le curseur pour éviter de trop embrasser. Une entreprise, si elle se doit d’être active sur tous les aspects de la vie de ses collaborateurs, ne peut pas pour autant tout inclure dans ses objectifs sociaux et sociétaux.
Ce nouveau statut pousse pourtant Korian à s’engager plus fortement. Pensez-vous que les entreprises doivent jouer un rôle encore plus important dans la résolution des grands défis de société ?
Le statut de l’entreprise est ce qui fonde l’entreprise. Le fait que ce statut soit opposable à un comité de mission indépendant, neutre sur le sujet, nous oblige à prendre la pleine mesure de nos ambitions et à nous exprimer sur le sujet pour démontrer notre volonté d’avancer. Le niveau d’exigence est très élevé et nous en sommes conscients. Ces engagements nous obligent, mais c’est nous qui l’avons souhaité car nous sommes convaincus que cela va dans la direction souhaitée pour les entreprises socialement responsables et profondément insérées, comme nous, dans les territoires de santé.
Par ailleurs, il faut préciser que c’est un effort budgétaire important mais nous sommes convaincus que les investissements consentis seront bénéfiques. Ce sont des investissements incontournables pour restaurer la confiance et répondre aux interrogations des citoyens que nous sommes. Toutes les thématiques sélectionnées sont essentielles et visent à répondre à la question de la contribution de l’entreprise à son environnement. C’est un cercle vertueux. A nous maintenant d’en être fiers et de prouver que nous méritons ce statut.