Comment en êtes-vous venue à vous engager en politique ?
C’est un concours de circonstances. Si on m’avait demandé à 20 ans, « est ce que tu feras ta carrière dans la politique ? », cela m’aurait semblé improbable.
Je viens tout de même d’une famille politisée, mon père est conseiller municipal depuis plus de 30 ans et mes grands-parents étaient très engagés dans la vie associative. Cependant, mon premier engagement est bénévole, depuis l’adolescence je suis membre et moteur d’associations sportives (arbitre, initiateur, dirigeant). Je m’efforce de poursuivre encore aujourd’hui cet engagement.
En parallèle, la chose politique m’a toujours intéressée. Au point qu’en quatrième lors d’un devoir où la consigne était d’écrire une lettre à une personne que l’on admire, j’ai adressé la mienne à Jacques Chirac ! Plus sérieusement, je me suis engagée au sein des jeunes de l’UMP en janvier 2004.
Comment êtes-vous « entrée » en politique ?
À travers le Conseil des jeunes UMP de la Région Ile-de-France, une instance avec laquelle j’ai rédigé une Charte des stages au moment du mouvement « Génération précaire ». Le document a circulé au sein des parlementaires franciliens, elle a attiré l’attention de Pierre-Christophe Baguet, alors député de la circonscription de Boulogne-Billancourt.
Par la suite, je l’ai rencontré alors qu’il préparait sa candidature aux élections municipales de 2008 et j’ai formulé des propositions sur la politique sportive. En mars 2008, j’ai été élue au conseil municipal de la Ville, et j’ai travaillé auprès de l’adjoint en charge des sports, à seulement vingt-trois ans. Un de mes premiers faits d’armes a été de faire voter une baisse de la rémunération des éducateurs sportifs de l’école des sports qui était anormalement élevée. Tout le monde y a trouvé son compte, les clubs sportifs notamment, qui sont redevenus attractifs pour les éducateurs.
Ensuite, le Maire a su casser les codes et faire confiance à la jeune femme que j’étais, en me confiant le portefeuille des finances de la ville.
Par ailleurs, en plus de mes fonctions électives, j’ai poursuivi une activité professionnelle de haut fonctionnaire au Ministère chargé des transports, puis à la Commission de régulation de l’énergie et enfin à la Cour des comptes.
Vous avez été élue Sénatrice en 2017, comment avez-vous perçu cette nouvelle responsabilité ?
Toujours élue locale, j’ai un lien direct avec les problématiques rencontrées par les collectivités territoriales. Je suis des projets très concrets. Mon expérience de terrain me guide, notamment dans les amendements que je peux déposer.
Ma formation et mes expériences professionnelles antérieures me permettent également de travailler sur des sujets techniques. J’ai eu la chance d’intégrer la commission des finances dès mon arrivée.
Ensuite, j’essaye d’exercer le mandat autrement. Je relève moi-même ma boite mail, et il m’arrive très souvent de répondre personnellement aux différentes sollicitations. Mon bureau est mon ordinateur et je mets un point d’honneur à ne rien imprimer. Cette « modernité » j’essaie de la transmettre. Sur ma suggestion, certaines invitations papiers sont devenues numériques ou encore les amendements des projets de loi de finances ne sont plus imprimés pour la séance de commission. J’essaie d’obtenir une borne de recharge des titres de transport au sein du Palais du Luxembourg ou encore un agenda partagé.
Enfin, il y a la façon d’appréhender le mandat, et de bousculer l’image que les citoyens en ont ! Être élue au Sénat n’a rien changé à ma manière de vivre, ici et partout j’essaie d’être une élue attentive, qui applique l’écologie pragmatique, je ne me déplace qu’en vélo, quand bien même cela prend plus de temps et alors que je pourrais utiliser des taxis. J’essaye aussi de préserver ma vie personnelle, je veux passer du temps avec mes enfants. Très souvent les gens sont surpris par mon mode de vie et l’image qu’ils ont d’une sénatrice en est bousculée.
"Je pense qu’il faut du courage, et être résilient aujourd’hui pour exercer des responsabilités publiques, notamment parce que le débat est constamment instrumentalisé"
Comment jugez- vous l’état du débat public et de l’engagement aujourd’hui ?
Je pense qu’il faut du courage, et être résilient aujourd’hui pour exercer des responsabilités publiques, notamment parce que le débat est constamment instrumentalisé.
J’ai été en charge, pour le compte de la délégation à la prospective, d’un rapport sur l’usage du numérique pour prévenir les crises. Ce rapport, écrit après la pandémie ne concernait pas que les aspects sanitaires, mais pointait des manquements dans la préparation à tout type de crise. Dans un contexte d’élections régionales, l’extrême droite a diffusé un flot de contre-vérités sur le rapport, le présentant comme une somme de mesures hautement liberticides. Mes détracteurs avaient même créé de faux documents avec les logos du Sénat. J’ai reçu des torrents d’insultes et des menaces.
Le citoyen peut être facilement manipulé car il a déjà naturellement une défiance contre les institutions publiques et politiques, et accorde du crédit à ses réseaux familiaux, religieux, sociaux, bien souvent sans s’informer sur les faits.
De la même manière, l’exercice des mandats locaux est complexe. Le sujet de la mobilité oblige à composer avec des associations qui voudraient que la ville entière soit cycliste. Je suis moi-même cycliste, mais le pragmatisme me pousse à rappeler que ce n’est pas adapté à tous les publics. Il faut tendre vers une réduction du nombre de véhicules, mais aucune voiture nulle part cela n’a pas de sens, ce que les associations de vélo entendent difficilement.
Le sujet de l’écologie est assez symptomatique. Pour ma part, je suis persuadée que ce n’est pas en imposant au citoyen des pratiques infaisables que l’on changera les choses. Je crois à l’écologie du quotidien, à l’éducation des générations futures, mais aussi à la valeur du marché : donner un prix à ce qui pollue, non pas interdire, mais mettre un prix sur les nuisances à l’intérêt général. Aujourd’hui tous les partis politiques se saisissent du sujet du changement climatique, je fais partie de ceux qui veulent impliquer les gens par étape, responsabiliser sans interdire ou imposer. Mais cette nuance et approche graduelle sur le temps long, est souvent rendue inaudible dans le débat public actuel.
De quelles réalisations politiques êtes-vous particulièrement fière ?
La politique est un exercice collectif au sein de l’intérêt général. On ne peut pas réussir tout seul. Il faut parvenir à convaincre du bien-fondé de ses initiatives.
Je suis satisfaite d’être restée moi-même et d’avoir conservé ma liberté : si demain, je devais ne plus être élue (parce que je ne me reconnais pas dans le projet qui est porté ou dans les hommes qui l’incarnent, parce que les électeurs ne veulent plus de moi), ce serait le début d’une nouvelle page de vie. Je n’aurai pas de regrets : c’est une formidable expérience. J’ai beaucoup reçu en ayant l’opportunité de m’ouvrir à de multiples sujets, j’espère avoir donné à concurrence par mon implication.