Aussi étonnant que cela puisse paraître, rien ne prédestinait Eliane Keramidas à embrasser la profession d’avocat. « Je ne voulais pas être avocate » déclare-t-elle.
Son rêve de jeune fille ? Quitter Marseille pour aller faire du théâtre à Paris. Un beau projet qui se heurte au refus de ses parents. Elle se met alors en quête de ce qu’elle nomme un « métier de substitution ». Elle s’interroge, elle s’informe. Puis, sur les conseils d’une amie, elle opte pour des études juridiques. En quelques mois, le droit pénal s’impose à elle comme une évidence. « Le droit pénal offre la possibilité de rentrer dans des personnages et de plonger dans l’intériorité des gens », précise Eliane Keramidas.
Une fois avocate pénaliste, elle plaide dans des affaires d’une particulière gravité. L’exercice est d’autant plus périlleux que la peine de mort est encore en vigueur au début de sa carrière. « J’étais apeurée mais j’y allais, je faisais le maximum pour assurer au mieux la défense de mes clients », se souvient Eliane Keramidas.
Au début des années 80, peu de femmes exercent ce métier. « J’étais une battante », déclare-t-elle. Elle a l’occasion d’intervenir dans de nombreuses affaires emblématiques, dont la sicilian connection, la french connection, ou encore la tuerie du bar du téléphone.
Les affaires judiciaires comme source d’inspiration
Eliane Keramidas prend l’habitude de consigner par écrit des anecdotes glanées lors des audiences. « Je recueillais des perles », se souvient-elle.
Puis, comme souvent dans les belles histoires, une rencontre décisive a lieu. Un jour lors d’une audience en cours d’assises, une psychologue la surprend en train de prendre des notes. Intriguée, elle lui demande ce qu’elle fait. Tout naturellement, Eliane Keramidas lui répond qu’elle retranscrit les anecdotes croustillantes du procès. Séduite, la psychologue décide d’en parler à Anne Carrière.
La pénaliste et l’éditrice se rencontrent au cours d’un déjeuner. Une rencontre fructueuse qui donnera naissance au premier livre d’Eliane Keramidas : Comment faites-vous pour les défendre ? qui paraît en 2005. Ce livre retrace le parcours de plusieurs criminels, de la garde à vue à leur sortie de prison. Mais l’avocate ne se contente pas de retranscrire cette réalité glaçante. Certains passages du livre sont également le fruit son imagination foisonnante. Ainsi réalité et fiction s’entremêlent dans son œuvre.
Son deuxième ouvrage, paru en 2008, est également inspiré d’une histoire vraie. Cette fois-ci, l’avocate se penche sur l’affaire Eva, en référence à une femme condamnée pour le meurtre de son mari. Une cliente avec qui elle correspond encore. « Elle m’a appelé il y a quelques jours pour me présenter ses vœux », relate Eliane Keramidas.
Son dernier ouvrage paru fin 2022, Les enfants perdus de la Roseraie, s’appuie également sur un fait divers. Ce roman relate l’histoire d’une ancienne cliente d’Eliane Keramidas. Une jeune femme qui, quelques heures après avoir tué sa mère, avait donné naissance à son enfant…
La quête des origines
Mais au fil des années, les dossiers finissent par marquer Eliane Keramidas. « On ne sort pas indemne de toutes ces histoires », ajoute-t-elle.
La pénaliste se livre alors à une réflexion profonde sur son rôle, sa mission. Elle s’interroge : « Qu’est-ce que la justice ? Où se trouve la vérité ? Qui sont ces jurés à qui on demande de prendre des responsabilités aussi lourdes ? ». Au terme de ce cheminement, elle décide de mettre fin à sa carrière d’avocate. Nous sommes à la fin des année 2010.
Après une profonde introspection, elle oriente son écriture vers des récits plus personnels. Cette quête va la conduire en Sicile d’où sont originaires ses quatre grands-parents. Elle effectue des recherches retraçant le parcours de sa famille sur plus de trois siècles.
Bien qu’elle n’ait pas de rituel d’écriture, Eliane Keramidas se rend régulièrement dans sa cave où elle entrepose ses archives et de la documentation. De quoi largement nourrir son inspiration pour les années à venir…