Nous y sommes : la barre des 8 milliards d’habitants sur notre planète vient d’être franchie. Comment s’en réjouir alors que nombre de menaces planent sur notre écosystème ? Dans ce monde d’instabilité grandissante, d’incertitudes multiples, de menaces accrues, il paraît aisé –voire logique- d’afficher une posture fataliste, résignée, triste. Le monde brûle et il faut du courage pour ne pas détourner le regard.
Le mot courage vient de cuer, le coeur. Jusqu’au XVIIe siècle, on employait les deux mots de façon indistincte. Cor, cordis en latin renvoie aux émotions, à l’intelligence et à la volonté, ces éléments déclencheurs du courage. La force est la toute première vertu (vertu est un dérivé du latin vis, la force). Dans l’Antiquité, c’est être capable de se battre, sans craindre la défaite, ni la mort, le courage se rapproche ainsi de la virilité. La virilité constitue donc le « nerf » du courage héroïque qui s’impose comme modèle. Selon Platon, le cœur, qui occupe une place intermédiaire entre la tête, la raison et le ventre, est le lieu du courage. Entre couardise et témérité, le courage articule ainsi la capacité de raisonner et de désirer.
Il apparaît dans plusieurs études d’opinions que les citoyens reprochent à leurs dirigeants politiques un manque de courage. Peut-on les blâmer pour cela ?
Le retour du multilatéralisme cette semaine entre la Cop 27 et le G20 peut-il être considéré comme un acte de courage de ces mêmes dirigeants ? Pour Péguy, « on ne saura jamais tout ce que la peur de ne pas paraître assez avancé aura fait commettre de lâchetés à nos Français. » Le courage politique serait-il alors de ne pas céder aux avances faciles du « progrès » ? Il n’y a de courage que s’il y a prise de conscience de la peur et défense de la vie. N’était-ce pas un acte de courage que d’accueillir l’Océan Viking à Toulon ? Nous pouvons tout aussi bien admirer le héros qui se lance et qui s’interpose que celui qui réfléchit et temporise.
Au-delà de la capacité d’entrainement et de vision, nous serions tous bien avisés de nous inspirer des actes de courage du quotidien. Les infirmières qui n’ont pas compté leurs heures pendant le confinement ou les soldats de l’ombre que l’on ne voyait plus durant cette même période. Voilà le courage ordinaire, le courage du quotidien, celui qui ne se décide pas. Il est le fruit d’un contexte, d’une confiance en soi, d’une limite dépassée. Nos dirigeants peuvent s’en inspirer autant que nécessaire car si le courage mène à l’héroïsme, le manque de courage mène au cynisme et le monde n’en a certainement pas besoin.
Delphine Jouenne