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25.10.22

Maud Sarda – Faire vivre la promesse Emmaüs sur le web

       Maud Sarda est à la tête de Label Emmaüs, la plateforme de vente en ligne du célèbre mouvement associatif, qu’elle a créée en 2016. Un projet militant ambitieux alors que le paysage économique de la seconde main est devenu très concurrentiel. À rebours des géants de l’économie circulaire, cette défenseuse du réemploi et de la réinsertion sociale espère faire entendre une autre voix dans le monde de l’e-commerce : donner une deuxième vie aux produits pour donner une seconde chance aux personnes. Rencontre.

La révélation Emmaüs

Très tôt, Maud Sarda nourrit une sensibilité particulière aux inégalités. Parallèlement à ses études à l’EDHEC, elle s’engage dans des projets humanitaires. Une mission de plusieurs mois dans un village en Inde où elle découvre le microcrédit lui inspire le sujet de son mémoire de fin d’études, consacré à l’indépendance offerte par ce système économique. Son diplôme en poche, elle rejoint finalement la société de conseil Accenture, où elle travaille pendant 5 ans sur des missions de gestion de projet puis de mécénat de compétences pour la fondation Accenture.

Si son expérience au sein du Groupe est au départ plus un « choix de raison » pour rembourser son prêt étudiant qu’une vocation, elle confie ne pas se retrouver non plus dans le monde de l’humanitaire. « Je cherchais une dimension plus économique. Un projet où créer quelque chose ensemble, par le travail ». À la fondation Accenture, elle découvre le fonctionnement du milieu social français, l’insertion par l’activité économique, visite des structures Emmaüs.

« Une révélation », confie-t-elle. « Emmaüs est un mouvement extrêmement militant, actif sur le terrain, absolument pas caritatif ni institutionnel. » Elle retrouve dans le leitmotiv de l’association – « Ne pas subir, toujours agir » – la dimension entrepreneuriale qui lui avait tant plu dans le concept du microcrédit et décide de rejoindre le mouvement, en tant que référente nationale pour toutes les structures d’insertion Emmaüs réparties sur le territoire. « Pendant ces 5 années, j’étais une « facilitatrice », chargée de répondre aux questions, de trouver des solutions, d’outiller les salariés, les compagnons, les bénévoles sur le terrain ». De ses rencontres avec des acteurs sociaux, Maud Sarda déclare avoir « attrapé le virus entrepreneurial, en plus du virus Emmaüs ». La dynamique à l’œuvre lui donne envie de créer, elle aussi, quelque chose de concret.

Le combat social au cœur de la matrice

500 points de vente Emmaüs en France et aucune présence en ligne. En 2015, Maud Sarda constate qu’il y a tout à faire pour déployer le mouvement Emmaüs dans la sphère digitale. Elle se voit alors confier une mission d’un an par le Conseil d’administration de l’association pour réfléchir au concept. « Label Emmaüs est né de cette année de cogitation, pendant laquelle j’ai imaginé une manière de faire vivre les valeurs et les missions d’Emmaüs sur le web ».

La coopérative Label Emmaüs voit le jour fin 2016. Avec un combat en fil rouge : lutter contre la précarité à travers le travail en faisant en sorte que les aidés soient parties prenantes de leur trajectoire de vie. Label Emmaüs répond à cette ambition à travers différentes activités :

  • La marketplace, qui prône le réemploi à travers la vente de produits uniques issus des dons des particuliers, de ressourceries, d’acteurs associatifs ou coopératifs ;
  • L’école « Label École », qui encourage la réinsertion sociale et économique à travers l’employabilité, en proposant une formation accélérée certifiante dans les métiers de l’e-commerce, de la tech, du numérique ;
  • La plateforme Trëmma.co, qui permet de soutenir des projets solidaires à travers le don et l’achat d’objets entre particuliers.

Réemploi, économie circulaire, formation…tout au long de la chaîne, Maud Sarda promeut un modèle vertueux de travail en déclinant les combats sociaux d’Emmaüs sur le web. Jusqu’à faire de Label Emmaüs une véritable entreprise d’insertion : « Au total, un tiers de nos salariés sont en insertion. Et nous espérons nous développer encore pour compter davantage de ces profils de salariés dans nos équipes ».

Un contre-modèle des géants du e-commerce

Dans l’écosystème des marketplaces, Label Emmaüs fait figure d’exception. Face au succès des Vinted, Vestiaire Collective ou Backmarket – qui ont saisi les opportunités économiques du marché de l’occasion – la plateforme fondée par Maud Sarda propose un autre modèle. 100% des bénéfices réalisés par l’entreprise réinvestis dans la coopérative, écarts de salaire limités de 1 à 3…le format coopératif prône en premier lieu un engagement assez radical de partage du pouvoir et des richesses.

« En tant qu’acteurs historiques du réemploi, ce qui nous guide, c’est cette idée de partage. C’est aussi humaniser l’achat, soigner le service client, être réellement éco-responsable. Nous prenons le contrepied total des géants du e-commerce et de la seconde main. Nous nous servons de la seconde main pour aider les gens, pas pour faire du business, c’est là toute la différence. »

Si la concurrence est forte et les budgets limités pour développer la notoriété de Label Emmaüs, cette battante préfère louer les succès déjà réalisés. « Nous pouvons être extrêmement fiers des taux de satisfaction exprimés par les clients, qui sont plus de 9/10 à nous recommander à leur entourage. » Pour elle, le pari est gagnant sur le long terme puisque les attentes des consommateurs résonnent de plus en plus avec les activités d’Emmaüs. « Nous réussirons à nous insérer dans le monde de l’e-commerce, avec notre militantisme, avec du plaidoyer, plus qu’avec du marketing », ajoute-t-elle.

Pour relever ce défi et devenir « le site de référence de la seconde main solidaire », cette entrepreneuse croit au travail collectif de l’ensemble des acteurs associatifs et de l’ESS. Quant aux projets de développement, 2023 devrait être une année d’accélération pour Label Emmaüs : diversification du catalogue de produits, développement de la communication de notoriété, recrutement…une levée de fonds devrait permettre de nourrir ces ambitions.

En attendant, Maud Sarda entend bien insuffler une autre manière d’entreprendre.

«  L’Abbé Pierre disait ‘’Pas besoin d’être parfait pour faire quelque chose de bien’’. Aujourd’hui, il faut entreprendre socialement, écologiquement. Ce n’est pas grave si on n’a pas l’idée du siècle, si on ne se sent pas une âme d’entrepreneur, l’important, c’est de faire. Nous ne serons jamais assez nombreux à tenter l’aventure de l’ESS.  »

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