Avoir un impact réel et rapide sur le gaspillage alimentaire
Si de nombreux entrepreneurs se tournent vers des projets à impact, Vincent Justin ne fait pas exception. NOUS anti-gaspi est né d’une prise de conscience des enjeux climatiques et d’un désir d’agir concrètement pour relever ces défis : “Je ne voulais pas rester inactif et continuer à décorer des hôtels de luxe alors qu’il y avait des enjeux qui me paraissaient bien plus conséquents. J’ai recherché les secteurs sur lesquels je pouvais avoir un effet de levier important, en peu de temps. Le sujet du gaspillage alimentaire s’est très vite imposé comme une évidence”, explique-t-il.
En 2016, peu d’initiatives concrètes existent : les plateformes Too Good to Go, Phenix et Smartway commencent à se développer mais s’attaquent principalement au problème du gaspillage chez les distributeurs et les commerçants. Or, 54% du gaspillage est généré en amont, du côté des producteurs et des transformateurs. Les cahiers des charges stricts qui exigent des critères esthétiques ou de calibres mènent à des pertes considérables, tout comme les pénalités imposées aux producteurs en cas de rupture de stock, qui engendrent une surproduction pour honorer les commandes des distributeurs, et mécaniquement, des excédents.
À rebours des magasins de déstockage classiques, Vincent Justin et Charles Lottmann imaginent alors un nouveau concept d’épicerie, capable de pallier le problème en amont de la chaîne de distribution tout en soutenant les producteurs.
« J’ai recherché les secteurs sur lesquels je pouvais avoir un effet de levier important, en peu de temps. Le sujet du gaspillage alimentaire s’est très vite imposé comme une évidence. »
Un modèle ingénieux pour convertir marques et consommateurs
Avec un décrochage des prix de 20 à 30%, NOUS anti-gaspi fait le choix de miser sur l’attractivité financière de son modèle : l’entreprise sauve les produits invendus en les rachetant 20 à 30% moins cher aux producteurs – un prix élevé pour des produits destinés à être jetés – et en les revendant 20 à 30% moins cher aux consommateurs dans son réseau d’épiceries. Un prix avantageux pour toutes les parties prenantes, qui séduit rapidement ses clients lors du lancement du premier magasin à Rennes. “C’était un parti pris de notre part : essayer de convertir un maximum de gens à l’anti-gaspi, en proposant une dimension financière alléchante. Pour inciter aux bonnes pratiques, il fallait une contrepartie”, confie-t-il.
L’offre du réseau de magasins est aussi singulière : les deux associés parient sur des produits de qualité et une expérience client proche de celles des magasins bio. Produits issus de l’agriculture biologique ou raisonnée, de circuits courts, en vrac, ou invendus haut de gamme, NOUS anti-gaspi réussit une équation pertinente : se distinguer des grandes chaînes de distribution par sa démarche RSE, des magasins spécialisés par ses prix et des magasins de déstockage par son offre plus premium. Un alliage innovant, qui permet de s’adresser à une population large, aux budgets et motivations d’achat variables, et d’inciter les marques qui auraient préféré jeter leurs produits par crainte de voir leur image dégradée, à la revalorisation.
« C’était un parti pris de notre part : essayer de convertir un maximum de gens à l’anti-gaspi, en proposant une dimension financière alléchante. »
Un concept de distribution singulier en pleine floraison
Depuis l’ouverture du premier magasin en Bretagne en 2016, ce réseau d’épiceries engagées connaît un développement colossal : 25 magasins répartis en Île-de-France et dans l’ouest du pays, 300 salariés et 12 tonnes de produits sauvées toutes les semaines du gaspillage par chacune des épiceries. Un succès qui augure d’un changement des mentalités, puisque 60 à 70% de la population déclarerait vouloir consommer plus responsable. Pour Vincent Justin, les consommateurs ont une longueur d’avance de maturité sur les distributeurs : “L’évolution des mœurs est déjà là, mais il reste encore un cruel déficit d’offre”.
Si une part de clients très engagés veulent aligner coûte que coûte leur consommation avec leurs valeurs, la question de l’accessibilité à tous se pose comme véritable enjeu social. “40% des Français finissent dans le rouge tous les mois, et évitent de dépenser à partir de la troisième semaine. Nous voyons aujourd’hui, dans ce contexte économique de forte inflation, que notre proposition a sa pertinence. Nous permettons de ne plus faire de choix entre les économies et la planète, ménager son pouvoir d’achat ou avoir une démarche vertueuse”, ajoute-t-il.
Pour cet entrepreneur, la revalorisation des produits a de l’avenir. “Au vu du contexte économique, il est certain que d’autres distributeurs vont développer une offre anti-gaspi et s’inspirer de notre modèle dans les prochains mois”. Mais pas question de décrier une potentielle concurrence ; pour Vincent Justin, c’est l’impact à échelle globale qui compte pour réellement changer les choses : “Si demain, la concurrence s’avère féroce parce que que d’autres nous auront copiés, ce sera dommage pour notre portefeuille, mais une grande réussite contre le gaspillage. Nous aurons lancé un élan et réussi notre mission !”.
En attendant, NOUS anti-gaspi a encore de belles perspectives de croissance. Une récente levée de fonds de 8 millions d’euros, un nouveau magasin qui vient d’ouvrir ses portes dans le centre de Bordeaux et de nouveaux projets de développement dans l’e-commerce. Click and collect, drive piéton, puis livraison à domicile, l’entreprise s’adapte aux attentes et pratiques des consommateurs pour inciter toujours plus à adopter un mode de vie plus respectueux de l’environnement. “Il existe des leviers réels en tant que consommateurs. Ce climat de sinistrose n’est pas acceptable. D’abord, il y a urgence, ensuite, le changement est accessible. On peut tous agir avec nos actes d’achat.” Vincent Justin est définitivement convaincu que chacun d’entre nous a une partie des cartes en main.
« Ce climat de sinistrose n’est pas acceptable. D’abord, il y a urgence, ensuite, le changement est accessible. On peut tous agir avec nos actes d’achat. »