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11.10.24

Métaverse et mondes virtuels, un danger réel ?

       Anticiper l’impact futur du Metaverse sur nos émissions carbones, c’est l’ambition de The Shift Project à travers son rapport “Énergie & Climat : Quels mondes virtuels pour quel monde réel ?”. Hugo Jeanningros, sociologue, et Marlène De Bank, ingénieure de recherche, interrogent la place à donner au Metaverse et, par extension, aux nouvelles technologies dans nos sociétés. Un travail de projection vertigineux mais nécessaire, qui propose des outils concrets pour penser son impact afin de mieux orienter son développement.

Anticiper l’impact du Metaverse, un cas d’école pour penser un développement sobre des nouvelles technologies

Pourquoi est-il crucial de s’intéresser au Metaverse aujourd’hui ?

Hugo Jeanningros : Le Metaverse est un espace numérique immersif qui vise à transformer nos interactions sociales, économiques et culturelles. Leurs promoteurs insistent sur leur potentiel de croissance. Si on prend ces promoteurs au sérieux il est essentiel d’anticiper les impacts environnementaux associés pour éviter de répéter les erreurs du passé en matière de coûts environnementaux.

Marlène De Bank : Il pourrait en effet entraîner une augmentation significative de la consommation énergétique, notamment en raison de l’utilisation massive de serveurs, de réseaux de communication et d’appareils de réalité virtuelle. Il est donc crucial de réfléchir à des moyens de minimiser cet impact dès maintenant.

Pourquoi est-il si difficile de définir le Metaverse et ses usages ?

Hugo Jeanningros : La définition du Metaverse est complexe car elle englobe une multitude de technologies et de scénarios d’utilisation. Le Metaverse peut désigner des mondes virtuels immersifs accessibles via des casques de réalité virtuelle, mais aussi des expériences persistantes accessibles depuis des appareils plus traditionnels comme les smartphones ou les ordinateurs. Chaque scénario d’utilisation a des implications différentes en termes d’infrastructure et de consommation énergétique.

Marlène De Bank : De plus, les usages du Metaverse ne sont pas encore bien établis. Ils peuvent aller du divertissement à la formation professionnelle, en passant par le commerce et les interactions sociales. Chaque usage potentiel nécessite des analyses spécifiques pour comprendre son impact environnemental. Cette incertitude rend difficile la projection de ses impacts futurs mais, comme le dit Hugo, en analysant conjointement le Metaverse par le prisme des technologies, de l’empreinte matérielle et celui des offres, on parvient à de meilleures estimations.

Quelle méthodologie de travail avez-vous mise en place pour ce rapport ?

Hugo Jeanningros : La méthodologie de notre rapport repose sur une approche multidisciplinaire. Nous avons commencé par une revue exhaustive de la littérature existante sur les technologies du Metaverse et leurs impacts environnementaux. Ensuite, nous avons utilisé des modèles pour estimer la consommation énergétique future basée sur divers scénarios de croissance du Metaverse.

Marlène De Bank : En effet, nous avons essayé de croiser les perspectives à l’aide de groupes de travail impliquant des ingénieurs, des sociologues, des économistes, travaillant dans des entreprises ou des laboratoires, mais aussi d’entreprises utilisant ces outils et d’autres travaillant sur les sujets environnementaux.

Quelles sont les données qui doivent nous alerter aujourd’hui ?

Hugo Jeanningros :  Dans le scénario “maximaliste” que nous avons appelé “Meta-Metaverse”, c’est-à-dire celui où l’usage métaverse deviendrait aussi prégnant que celui des téléphones portables, les émissions du secteur numérique pourraient atteindre 4 gigatonnes de CO2 d’ici 2030, soit au moins 7 % des émissions mondiales, si aucune mesure de réduction n’est prise.

Marlène De Bank : La croissance annuelle de la consommation énergétique du secteur numérique est de plus de 6 %. Ces chiffres montrent clairement que, sans intervention, l’impact environnemental du numérique pourrait devenir insoutenable. Il est également inquiétant de constater que les gains d’efficacité énergétique dans les technologies, comme les cartes graphiques plus frugales, sont souvent compensés par une utilisation accrue, un phénomène connu sous le nom d’effet rebond.

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Le rapport de The Shift Project propose-t-il des solutions concrètes pour répondre à ces défis ?

Hugo Jeanningros : Oui, le rapport suggère plusieurs pistes pour atténuer l’impact environnemental du Metaverse. Par exemple, il recommande de développer des infrastructures plus sobres en énergie, d’optimiser l’efficacité des centres de données, et de promouvoir des pratiques de conception durable pour les appareils. Il est également question de réguler l’usage du Metaverse en fonction de son impact environnemental. Par exemple, limiter l’accès à certaines fonctionnalités énergivores ou encourager des pratiques d’utilisation plus responsables et conscientes de l’empreinte carbone.

Marlène De Bank :  Nous avons également conçu un outil d’aide à la projection pour les décideurs, une sorte de boussole conçue pour leur permettre de penser jusqu’au bout le développement des nouvelles technologies. C’est un guide qui permet d’évaluer l’impact environnemental des différentes innovations technologiques et de déterminer les meilleures pratiques pour les développer de manière durable. Elle aide à orienter les choix technologiques en fonction de leur impact énergétique et matériel, favorisant ainsi des décisions plus éclairées et responsables.

Comment ces recommandations peuvent-elles être mises en œuvre par les acteurs du numérique ?

Hugo Jeanningros : La collaboration entre les entreprises technologiques, les régulateurs et les consommateurs est essentielle. Les entreprises doivent investir dans la recherche et le développement de technologies plus durables. Les régulateurs doivent mettre en place des politiques incitatives et contraignantes pour orienter le développement technologique dans la bonne direction.

Marlène De Bank : Les consommateurs, quant à eux, doivent être sensibilisés à l’impact de leurs choix technologiques. Des campagnes d’information et des outils de mesure de l’empreinte carbone des usages numériques peuvent aider à promouvoir des comportements plus responsables mais il ne faut pas oublier quand il s’agit de grandes infrastructures numériques (nouvelles technologies réseaux, nouvelles capacités de calcul) que les choix technologiques ne se jouent pas seulement à un niveau individuel mais à un niveau collectif.

Pensez-vous que la sobriété numérique est compatible avec l’innovation?

Hugo Jeanningros : Absolument. La sobriété numérique ne signifie pas un retour en arrière, mais une évolution vers un usage plus intelligent et efficient des technologies. Il est possible d’innover tout en réduisant notre impact environnemental en adoptant des approches plus durables dès la phase de conception et en trouvant des manières originales de questionner l’utilité des produits

Marlène De Bank : La low-tech est un premier contre-exemple qui démontre qu’il est possible qu’innovation rime avec sobriété. Dans ce cas, il s’agit de techniques durables, résilientes, simples et appropriables. Les technologies frugales qui prennent en compte les contraintes comme les ressources (matières, énergie), quitte à transformer les exigences de performance en prenant en compte l’allongement de la durée de vie par exemple, en sont un autre exemple. Ce sont des voies prometteuses pour le futur des technologies numériques, un futur qui dépendra de notre capacité à intégrer des considérations écologiques dans chaque étape de leur développement.

«  La sobriété numérique ne signifie pas un retour en arrière, mais une évolution vers un usage plus intelligent et efficient des technologies. »

Crédits illustration : Virgile Bellaiche

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