Arielle Bove est une littéraire convaincue. « Je suis tombée amoureuse de la littérature britannique en hypokhâgne », se souvient-elle.
Au terme de trois années passées en classes préparatoires littéraires, elle intègre HEC et l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm. Elle mène alors de front ses études supérieures au sein des deux établissements. Un exercice d’équilibriste… excepté durant la crise sanitaire, à la faveur de la diffusion des cours en visioconférence.
Malgré l’exigence de cette formation, Arielle Bove tient bon, persévère, progresse. Elle fait un choix audacieux à HEC en optant pour un master spécialisation entrepreneuriat. « J’ai fait ce choix pour sortir de ma zone de confort : j’avais un profil très scolaire, or cette formation valorisait la prise de risques et l’autonomie », précise la cofondatrice de Tempera.
Au terme de ce double cursus se rejoue le même dilemme. Les chiffres ou les lettres ? Cabinets de conseil ou thèse en littérature britannique ? L’hésitation demeure…
Une première vie de plume
Fidèle à son attachement aux mots et aux idées, elle occupe un premier poste de plume auprès du Recteur de l’académie de Paris. Un choix qui lui permet de respecter son engagement décennal, lié à son statut de normalienne, tout en poursuivant sa réflexion sur ce qu’elle souhaite accomplir sur le long terme. Très vite, elle prend goût à cette immersion dans l’esprit d’un autre au service de son discours, de ses idées, dans un univers qui la passionne, l’éducation.
Mais au fil des mois, cet intérêt s’effrite. Au bout d’un an, Arielle Bove a le sentiment d’avoir fait le tour, regrettant de ne pas pouvoir mettre à profit les compétences acquises lors de sa formation à HEC.
« Nous ne voulons pas créer d’antagonisme entre le vin et nos boissons, bien au contraire. Nous nous inscrivons plutôt en faveur de leur complémentarité. J’ai pour habitude de dire que nous nous adressons à des ‘‘flexibuveurs’’ »
Le cap de l’entrepreneuriat
Grâce à un ami, elle fait la rencontre de Mauro Colagreco, chef triplement étoilé au Mirazur, élu meilleur restaurant du monde en 2019. Une rencontre fondatrice. À ce moment-là, Mauro Colagreco mène des expérimentations en termes d’accord mets/boissons sans alcool qui séduisent sa clientèle, et il a le désir de partager ces découvertes au-delà du cadre de son restaurant.
De son côté, Arielle Bove est une amatrice de thés haut de gamme : « J’ai un souvenir encore vivace de ma première tasse d’Earl grey, le jour de ma rentrée en moyenne section ». Le thé comme Madeleine de Proust.
Lorsqu’elle échange avec Mauro Colagreco à propos des boissons sans alcool, un déclic se produit. L’idée infuse. Tempera finit par naître à l’été 2022. La fibre littéraire de sa fondatrice demeure au point qu’elle décide de donner à la société mère le nom de Kylix. Ce terme désigne un vase dans lequel les Grecs consommaient du vin mêlé à de l’eau. « Comme les Grecs, peut-être est-il temps de mettre de l’eau dans notre vin… », s’amuse la cofondatrice de Tempera.
Plaisir et tempérance
Tempera fait office d’OVNI sur le marché, et pour cause : les produits proposés ne sont pas conçus à base de raisin, de plus ils ne sont pas désalcoolisés. Les boissons commercialisées par cette jeune entreprise, obtenues par l’infusion ou la fermentation acétique, tirent également toute leur singularité de l’ADN culinaire de Mauro Colagreco. « Sa patte se retrouve dans les recettes Tempera, dont il assure la création », souligne Arielle Bove. Certaines boissons sont très expressives d’un point de vue aromatique, d’autres sont nettement plus subtiles, plus légères. Tous les palais peuvent s’y retrouver.
Arielle Bove compte bien proposer les créations Tempera à l’ensemble du marché français. Pour l’heure, la marque dispose d’une trentaine de points de vente, principalement des cavistes, des épiceries fines et des restaurants.
Un marché en plein essor
La perception de l’alcool a nettement évolué ces dernières années, laissant la place à d’autres propositions. 50 % de la clientèle de Tempera ne consomme pas d’alcool, notamment pour des raisons médicales ou par préférence pour d’autres boissons. Il y a aussi les sportifs, les femmes enceintes ou encore nos concitoyens musulmans.
L’autre moitié de sa clientèle est composée d’amateurs de vin et de spiritueux. « Nous ne voulons pas créer d’antagonisme entre le vin et nos boissons, bien au contraire. Nous nous inscrivons plutôt en faveur de leur complémentarité. J’ai pour habitude de dire que nous nous adressons à des ‘‘flexibuveurs’’ », argumente Arielle Bove.
Signe que Tempera a de beaux jours devant elle, Arielle Bove a pu exposer ses créations lors de la dernière édition de Vinexpo en février dernier. « Les retours ont été excellents. Le dernier jour du salon, nous avons pu faire déguster nos produits aux représentants de la maison de Cognac dont le stand jouxtait le nôtre. Les échanges ont été passionnants, ils ont salué le caractère abouti de nos boissons », souligne Arielle Bove, ravie d’avoir pu participer à cette grand-messe du vin et des spiritueux.
À ceux qui n’osent pas se lancer dans l’entrepreneuriat, Arielle Bove donne le conseil suivant : « Je comprends que ça puisse faire peur, mais il ne faut pas chercher un curseur qui serait du côté de la légitimité. Et surtout, pas d’atermoiements : lorsque l’idée semble bonne, il faut se lancer, oser, et voir ce que cela donne », conclut-elle.