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11.04.22

Entretien avec Louis Vogel : les propositions de la majorité sur l’Enseignement supérieur

       Dans le prolongement du sondage Happydemics pour À priori(s), la rédaction a interrogé Louis Vogel, Maire de Melun et représentant de la majorité présidentielle sur le sujet de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Ce dernier partage le bilan du quinquennat écoulé et les propositions ambitieuses portées par le Président de la République dans la perspective de sa réélection.

Selon le sondage Happydemics pour À priori(s), les Français sont convaincus que l’Enseignement supérieur doit être un sujet prioritaire dans le débat public mais ils témoignent d’une méconnaissance du système que ce soit sur les parcours, le fonctionnement ou le financement des Universités. Quel bilan pouvez-vous tirer du quinquennat d’Emmanuel Macron sur ces sujets ?

Ces cinq dernières années ont permis des évolutions structurantes et profondes sur de nombreux sujets. Évidemment, les crises sociales, la pandémie mondiale et plus récemment la situation géopolitique n’ont pas donné la visibilité et la lisibilité nécessaires aux réformes entreprises mais les résultats sont indéniables.  Nous devons le dire et en être fiers.

À titre d’exemple, et même si les classements sont toujours source de débats, c’est la première fois qu’une université française, se situe aussi haut dans le “classement de Shanghai”[1] : la 13ème  place mondiale et la première en mathématiques pour l’université Paris Saclay

C’est un témoignage de la capacité de nos universités à s’adapter à la compétition internationale, un marqueur de notre excellence scientifique et de la réussite de notre politique de recherche. 

Ce résultat traduit les actes et les ambitions affirmés très tôt par le Président de la République. Par exemple, la loi de programmation pour la recherche (LPR) avec une injection massive d’argent de 25 milliards d’euros parallèlement aux investissements d’avenir qui se poursuivent (20 milliards d’euros) ou d’autres initiatives importantes comme les IDEX ou les I-Site (300 millions d’euros / an).

C’est donc la première fois que l’Université et les organismes associés bénéficient de financements aussi importants. C’est la clé, nous nous devons de le dire et de le revendiquer.

Si les résultats commencent à être perceptibles, il reste encore beaucoup d’efforts à entreprendre. 

En matière de recherche par exemple, l’objectif des 3% du PIB doit être atteint au cours du prochain quinquennat contre 2,2% aujourd’hui.

[1] Réalisé tous les ans par Shanghai Ranking Consultancy

Le sondage met en avant un paradoxe - celui d’un attachement à l’Université - mais en même temps un constat : l’université ne prépare pas assez à l’insertion professionnelle et n’est pas assez en phase avec les évolutions du marché de l’emploi. Comment améliorer cette situation et plus globalement l’adéquation entre l’enseignement supérieur et le marché de l’emploi ?

Vous avez raison, le gouvernement a lancé de nombreuses réformes mais nous sommes encore au milieu du gué. Il faut aller plus loin et approfondir nos actions. Prenons Parcoursup par exemple.  Une réforme nécessaire pour les étudiants et améliorer leur orientation mais qui seule n’est pas suffisante. 

Ce dispositif se doit d’être complété pour préparer l’orientation des élèves dès la 5ème avec des journées « Avenir ». Cela signifie faire venir des professionnels dans nos collèges et lycées afin de faciliter les procédés de transmission.

Par ailleurs, il apparaît indispensable de responsabiliser les universités en rationalisant les parcours qui n’offrent que peu de débouchés grâce aux enquêtes d’insertion qu’elles réalisent déjà. C’est une démarche complète que nous devons créer, une vision d’écosystème afin que les outils ne deviennent pas des freins à la méritocratie républicaine à laquelle nous sommes tous attachés et à l’égalité des chances.

Pour cela, il faut aussi développer des universités de proximité telles que celle qui existe à Melun.  Ces établissements permettent de rapprocher les universités des étudiants. Elles représentent ainsi des premières étapes indispensables au sein du parcours de l’enseignement supérieur. Des universités de proximité mais avec un haut niveau d’exigence : à la pointe comme à La Rochelle en matière d’océanographie à La Rochelle ou à Melun en stratégie grâce à l’école des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN).

Il faut également faciliter la création de filières techniques et professionnelles. Aujourd’hui le ratio est de 2/3 de filières généralistes et 1/3 professionnalisantes. Nous devons inverser ce ratio, comme dans tous les pays du monde, pour gagner en agilité et permettre une adéquation entre l’offre d’emplois et les parcours d’études.

Enfin, il est important de permettre aux étudiants de s’insérer dans la vie professionnelle beaucoup plus rapidement avec des systèmes de passerelles dès le premier cycle. Nous ne pouvons plus rester avec un taux d’échec de 60% sur les trois premières années.

On parle souvent d’améliorer l’autonomie des établissements pour leur permettre de gagner en efficacité. Quelle est la vision du Président sur ce sujet ?

Lorsque j’étais président de la CPU, le monde de l’enseignement supérieur était encore plus centralisé. J’ai connu cette période où les présidents d’universités transmettaient directement leurs demandes RH au directeur général de l’enseignement supérieur qui leur attribuait les postes. Nous devons aujourd’hui poursuivre les avancées réalisées ces dernières années à travers deux propositions :

La première serait de laisser aux établissements volontaires la possibilité de gérer de manière autonome leur patrimoine.  

La seconde, plus structurante serait de modifier le système de contrat d’objectifs en le transformant en contrat d’objectifs ET de moyens. Aujourd’hui, s’il existe des objectifs quinquennaux, les moyens affectés n’y sont pas liés puisqu’ils dépendent des effectifs d’étudiants.

L’objectif du mandat à venir est donc de transformer ce support juridique afin d’engager un véritable dialogue entre toutes les parties prenantes pour permettre aux établissements de se spécialiser et d’avoir une vérification a posteriori plutôt qu’a priori. Évidemment, ces engagements impliquent l’instauration d’un droit à l’erreur car l’ambition est de redonner envie d’entreprendre, d’oser, de créer une dynamique et donc de prendre des risques.

Quelles sont les ambitions concernant plus particulièrement la Recherche ?

Sur ce sujet, Emmanuel Macron a clairement annoncé ses priorités. Il souhaite faire de la recherche un levier fondamental pour l’avenir de notre pays. Cet engagement implique d’abord d’améliorer les conditions de travail des chercheurs français.

Il faudra évidemment mieux rémunérer nos chercheurs mais surtout améliorer leur environnement de travail. Nous avons commencé, à travers la LPR, à rattraper ce retard, on doit maintenant aller beaucoup plus vite et plus fort. Cela implique de donner plus de moyens humains (assistants notamment) et techniques (amélioration des locaux, matériel informatique). 

Par ailleurs, il est important de modifier le statut des chercheurs.

Nous le savons, ces derniers exercent à travers leur métiers plusieurs missions. J’ai pu l’observer lorsque j’ai dirigé le plus gros laboratoire de recherche de Paris II : enseignement, publication, innovation et gouvernance.

Nous devons en tenir compte et mettre en place des indicateurs qui permettent de  valoriser ces différentes activités.. En France, nous avons toujours privilégié les publications mais il faut assouplir le statut des chercheurs pour gagner en agilité et leur permettre de retrouver le temps long. C’est une demande des enseignants-chercheurs que nous devons écouter pour les retenir en France.

Au-delà des laboratoires de recherche, il est temps de reconstruire l’Université dans toutes ses composantes. De casser les silos et de penser les lieux d’enseignement supérieur comme des écosystèmes complets, avec des universités, des grandes écoles, parfois privées, des organismes de recherche et des entreprises. En parachevant le mouvement de restructuration des grands sites universitaires permis par les IDEX tout en gardant une pluralité des modèles, nous pourrons attirer les grandes écoles sur les campus, atteindre la taille critique nécessaire, former plus de docteurs et multiplier les laboratoires sur les entreprises avec de vrais clusters d’innovation. Déclinons le modèle Saclay sur tout le territoire. 

En conclusion, êtes-vous optimiste sur les chances de réussite des grandes transformations que vous évoquez ?

Nous sommes à un tournant pour l’Enseignement supérieur et la Recherche en France, un tournant important qu’il ne faut pas rater.

La fuite des cerveaux à l’étranger est réelle Il faut inverser la dynamique et si Emmanuel Macron est réélu, c’est le projet qu’il continuera de porter. Il nous faudra également aller au bout de nos réformes sur l’autonomie des universités, sur les campus d’innovation, sur l’accompagnement des étudiants avec une refonte complète du système d’aides sociales pour mettre fin à la précarité, sur l’évaluation des établissements en fonction des moyens alloués sur le long terme, sur le statut de chercheurs et leurs spécialisations. Nous avons identifié les priorités, enclenché les premières initiatives, nous savons ce qu’il reste à faire et nous le ferons.

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