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15.03.22

Entretien avec Jean-Luc Mélenchon : ses propositions sur l’Enseignement supérieur

       Dans le prolongement du sondage Happydemics pour À priori(s), la rédaction a interrogé Jean-Luc Mélenchon, candidat de l'Union populaire. Ce dernier partage son programme "L’Avenir en commun" et quelques propositions phare comme le "démantèlement de Parcoursup", la suppression de la la sélection en master ou l'allocation de 1.063 euros mensuelle pour chaque étudiant en dehors du foyer fiscal.

Selon le sondage Happydemics pour À priori(s), les Français sont convaincus que l’Enseignement supérieur doit être un sujet prioritaire dans le débat public mais ils témoignent d’une méconnaissance du système que ce soit sur les parcours, le fonctionnement ou le financement des Universités.​

Pour répondre aux urgences écologique, démocratique et sociale, notre pays a besoin d’un très haut niveau d’éducation et de qualification. Aujourd’hui, l’enseignement supérieur apparaît constitué d’une multitude d’offres en concurrence entre elles, au niveau des établissements comme des formations qu’ils hébergent. Chaque établissement, chaque composante, chaque formation, doit se battre pour attirer les étudiants considérés comme un marché et se battre pour obtenir les moyens nécessaires à leur fonctionnement. De leur côté, les étudiants sont aussi en compétition entre eux pour accéder aux formations  de leur choix et poursuivre leurs études. Nous mettrons fin à cette politique de mise en concurrence inefficace. Parcoursup sera supprimé, les étudiants se verront offrir un accès à la formation de leur choix, avec une équivalence des diplômes sur tout le territoire garantie par un cadre national, y compris pour le baccalauréat. A terme, nous intégrerons l’ensemble des formations dans les universités en alignant les moyens alloués par le haut. 

Le sujet des universités intéresse principalement les premiers concernés, déjà bénéficiaires, diplômés, et classes supérieures. Est-ce le témoignage d’un ascenseur social en panne et d’une université qui ne remplit pas/plus son rôle d’intégration ?

L’enseignement supérieur remplit d’autant mieux son rôle de création, critique et transmission des savoirs au plus grand nombre qu’il adhère à un objectif de service public suffisamment doté en moyens. Il n’y parvient pas lorsqu’il fonctionne comme un marché régi par la concurrence, discriminant les catégories sociales défavorisées, premières exclues par la sélection et par l’augmentation des frais d’inscription. En étant exclues, en effet, elles ne peuvent s’y intéresser. À l’inverse, nous rendrons gratuites les études supérieures de la licence au doctorat, nous permettrons aux étudiants de se consacrer pleinement à leurs études avec une allocation d’autonomie de 1063€ pour tous les étudiants et élèves des lycée professionnels détachés du foyer fiscal de leurs parents et nous construirons 15000 logements par an pour éviter aux jeunes de perdre leur temps et leur énergie dans les transports. Nous réduirons le nombre d’étudiants par groupe de TD pour favoriser la réussite de tous et permettrons aux enseignants de se former en comptant le temps de formation dans leur service d’enseignement. Ainsi, les pédagogies fondées sur la coopération, et non sur la compétition, seront favorisées. Enfin, les cursus courts dans l’enseignement supérieur (DUT-BUT, BTS), qui rassemblent le plus d’étudiants issus des familles modestes, seront protégés, et la poursuite d’études sera encouragée après un bac professionnel ou technologique. Enfin, le rôle clé de l’université dans l’adossement de l’enseignement à la recherche, sera renforcé par la valorisation du doctorat, meilleure formation pour développer les qualités d’analyse critique propre au travail de chercheurs.

Le sondage met en avant un paradoxe : celui d’un attachement à l’Université mais en même temps un constat : l’université ne prépare pas assez à l’insertion professionnelle et n’est pas assez en phase avec les évolutions du marché de l’emploi. Comment améliorer cette situation et plus globalement l’adéquation entre l’enseignement supérieur et le marché de l’emploi ?

Les difficultés d’insertion professionnelle après des études générales à l’université relèvent du stéréotype, constaté par ce sondage. Il serait particulièrement hasardeux d’en déduire que c’est une réalité, même le MEDEF ne s’y risque pas, chiffres à l’appui (1). En outre, opposer insertion professionnelle et université est assez décalé alors que nombre de formations à l’université sont professionnelles comme les DUT-BUT, ou les licences professionnelles. De notre point de vue, l’adéquation entre une formation et les besoins à long terme passe par une forme de planification qui intègre notamment la planification écologique. Cette planification doit prendre en compte les besoins dans les domaines en croissance comme les énergies renouvelables, la rénovation des bâtiments, l’agriculture paysanne, l’économie de la mer ou la gestion de l’eau. Aussi, l’état doit assumer ce rôle de planification, en organisant la définition des besoins de qualifications et l’élaboration des contenus de formation en concertation avec les équipes enseignantes forces de propositions, puis en allouant les moyens nécessaires. C’est dans ce contexte que nous créerons des Centres Polytechniques Professionnels regroupant les CAP, bacs professionnels, BTS, ainsi que les licences professionnelles et les licences universitaires technologiques là où c’est pertinent.

n(1)« la performance globale de la voie professionnelle initiale est interrogée au regard de sa valeur ajoutée en termes d’accès à l’emploi » Au bas de la page 8 de ce document : Lien

Un quart des Français préconise une augmentation du financement public quand 37% se prononcent pour une ouverture accrue aux partenaires privés et aux entreprises. Quelles sont pour vous les priorités à mettre en place pour améliorer le financement du système (1,5 % du PIB aujourd’hui), redonner une perspective et une dynamique à l’Université en France ?

Le budget de l’ESR sera augmenté, notamment grâce à la suppression du CIR qui  représente 7 milliards d’euros par an. Pour intégrer à terme les différents diplômes au sein de l’université, son budget par étudiant sera aligné par le haut avec les autres formations (notamment CPGE et grandes écoles publiques) impliquant une hausse du programme budgétaire Formations universitaires et recherches universitaires à la hauteur des besoins. Enfin, pour répondre aux besoins, nous procéderons a minima au recrutement de 30 000 personnels. 

Quels sont les autres points que vous souhaitez aborder sur le sujet de l’enseignement supérieur et de la Recherche ?

L’enseignement supérieur et la recherche sont aujourd’hui bureaucratisés par les évaluations (HCERES) et les appels à projets (ANR). Cela est devenu particulièrement prégnant pour la recherche où le rôle du chercheur n’est plus de se consacrer à la science mais de décrocher des financements et de justifier de son activité en remplissant des tableaux de bord toujours plus complexes et inutiles.  Nous mettrons fin à ces contraintes bureaucratiques, sources de gaspillage d’argent public, de temps et d’énergie en supprimant l’ANR et l’HCERES, pour libérer les énergies et rehausser l’ambition sociale et scientifique du service public national de l’enseignement supérieur et de la recherche. 

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