SONDAGE :
Selon notre sondage les Français sont convaincus que l’Enseignement supérieur doit être un sujet prioritaire dans le débat public mais ils témoignent d’une méconnaissance du système que ce soit sur les parcours, le fonctionnement ou le financement des Universités. Pour vous, est-ce une priorité pour le pays et comment redonner une lisibilité et une clarté à l’enseignement supérieur ?
C’est évidemment une priorité pour la France. Comment avoir un pays prospère si on néglige ses étudiants ? Autrefois prestigieuse et respectée dans le monde entier, l’université et la recherche françaises ont beaucoup perdu malgré des atouts indéniables. Or l’excellence de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique constitue un indicateur très important de la puissance et de l’influence d’un pays. Comment ne pas en faire une priorité ?
Aujourd’hui, la priorité est de refonder notre université : remonter le niveau, l‘adapter aux besoins du monde du travail. Et pour cela, je compte désengorger les filières saturées et sans débouchés professionnels, par des numérus clausus intégrés à Parcoursup et l’interdiction des doubles redoublements. La sélection dans les filières générales fera remonter le niveau. Je veux également réorienter les moyens pour former plus d’ingénieurs et soutenir la réindustrialisation de la France. L‘université forme trop d‘étudiants non nécessaires à notre économie et pas assez de ceux qui le sont ! Ainsi, je veux créer davantage de passerelles entre les filières généralistes et professionnelles pour ne pas enfermer nos étudiants dans une voie unique sans issue.

Le sujet des universités intéresse principalement les premiers concernés, déjà bénéficiaires, diplômés, et classes supérieures. Est-ce le témoignage d’un ascenseur social en panne et d’une université qui ne remplit pas/plus son rôle d’intégration ?
Avec moi, l’université redeviendra un lieu où l’exigence et l’excellence sont reines et où le mérite de tous les étudiants, quel que soit leur milieu d’origine, sera véritablement récompensé. Je mettrai donc fin à toute forme de discrimination positive, qui ne rend service à personne, et faciliterai l’accès aux bourses pour la classe moyenne, trop riche pour les avoir, trop pauvre pour faire sans.
C’est une insulte faite aux boursiers que de leur réserver des places, puisque l’on jette un soupçon sur leur véritable niveau. Selon une étude du Bureau national des étudiants en école de management, 70 % des boursiers désapprouvent l’idée de passe-droits. La discrimination positive est en fait un cache-misère : elle sert à masquer l’effondrement du niveau dans certaines zones où l’exigence n’existe plus.
Mais pour réparer l’ascenseur social, ce n’est pas seulement l’université mais tout le système éducatif qu’il faut réformer. Nous assistons depuis trop longtemps au délitement du système éducatif et à l’effondrement du niveau scolaire des jeunes Français. Une proportion considérable des élèves quittant l’enseignement primaire ne sait ni lire, ni écrire, ni compter, ce qui les conduit à un échec scolaire inévitable dans le secondaire puis l’enseignement supérieur. Pour que l’ascenseur social puisse à nouveau fonctionner, il faut d’abord retrouver l’excellence dans le primaire et le secondaire.

Le sondage met en avant un paradoxe : celui d’un attachement à l’université mais en même temps un constat : l’université ne prépare pas assez à l’insertion professionnelle et n’est pas assez en phase avec les évolutions du marché de l’emploi. Comment améliorer l’adéquation entre l’enseignement supérieur et le marché de l’emploi ?
Tout doit être mis en œuvre pour ne pas enfermer les étudiants dans une voie unique en créant davantage de passerelles entre les filières généralistes et les filières professionnelles. Il y a désormais 60% d’échec en licence 1 à l’université alors que nous manquons d’ingénieurs et de techniciens. La réorientation doit être possible dans les deux sens, entre les filières professionnelles et généralistes. Nous disposons d’une filière professionnalisante efficace et non saturée, quand la filière universitaire, qui conduit trop souvent à l’échec craque sous les effectifs. Les BTS eux, dans certaines filières, affichent des taux d’emploi de 90% (après seulement deux ans d’études). Je systématiserai aussi l’alternance en BTS et BUT, et j’associerai chaque BTS avec une ou plusieurs universités partenaires: cela marche déjà ponctuellement, je veux en faire un cas général. J’encouragerai la poursuite post-bac dans les filières de BTS les plus demandées par les entreprises en revalorisant leur image. Pour répondre au manque d‘ingénieurs, je développerai la formation d’ingénieur dans les universités par la création de nouveaux instituts Polytech. Enfin, depuis quarante ans, on a sous-estimé l’importance des métiers dits « manuels » en n’incitant pas suffisamment les gens à se tourner vers ces professions, parfois très nobles, dont le pays a largement besoin. C’est pour cela que je souhaite proposer aux collégiens qui le souhaitent l’entrée en filière pré-professionnelle dès la 4e.
Quand on évoque les leviers d’amélioration, un quart des français préconise une augmentation du financement public (qui représente déjà 77% du budget de l’enseignement supérieur) quand 37% se prononcent pour une ouverture accrue aux partenaires privés et aux entreprises. Quelles sont pour vous les priorités à mettre en place pour améliorer le financement du système (1,5 % du PIB aujourd’hui), redonner une perspective et une dynamique à l’Université en France ?
Le financement des universités est largement public en effet, payé par les impôts de Francais, puisque les frais de scolarité sont et resteront gratuits pour eux. Par contre, les 5 milliards que nous dépensons pour les étudiants étrangers doivent nous revenir. Ainsi, ils paieront des frais de scolarité et ne pourrons y être soustraits par des contournements comme c‘est le cas aujourd‘hui. Ces frais seront rapprochés des frais réels de leurs études.
L‘université, c‘est d‘une part l‘enseignement et d‘autre part la recherche. Notre recherche publique n’est plus attractive: nous payons nos chercheurs 40% de moins que la moyenne des pays de l’OCDE. Je veux revaloriser de façon rapide (on atteindra le plein régime en 2025) et beaucoup plus marquée que dans la Loi de Programmation de la Recherche de 2021 les salaires de nos chercheurs: entre 10 et 100%, un doublement pour les meilleurs dont les salaires deviendront compétitifs avec ceux dans les autres pays développés! Cette revalorisation se basera sur le mérite, mais tous les chercheurs auront une prime minimum.
D‘autre part, l‘allocation de base des enseignants-chercheurs nouvellement recrutés sera très fortement augmentée, pour leur permettre de moins dépendre du financement sur projet en début de carrière.
La recherche, c‘est aussi les contrats de R&D public-privé. Je renforcerai le potentiel créateur d‘innovation du Crédit Impôt Recherche en le rendant plus favorables aux PME. En France, de nombreuses entreprises, mêmes assez grandes, n’ont tout simplement pas de département R&D et sous-traitent volontiers celle-ci à des labos publics, ce qui finance les universités. Un des principaux freins à l’accès à cette recherche partenariale pour les entreprises est la complexité inouïe des dispositifs et de la bureaucratie. Chaque gouvernement a créé son dispositif d’aide à la recherche partenariale, il est temps de les rassembler car trop de projets sont abandonnés devant la complexité du dispositif. Je fédérerai les accès à tous ces dispositifs en un guichet unique du grand Ministère de l’Industrie.

Quels sont les autres points que vous souhaitez aborder sur le sujet de l’enseignement supérieur et de la Recherche ?
Vous l’aurez compris, l’université française souffre de beaucoup de maux. Il y a la baisse dramatique du niveau des étudiants à l’entrée, dans toutes les disciplines, l’incohérence de certains parcours académiques, la profusion des voies de garage, la dévalorisation des carrières des enseignants-chercheurs, le manque de moyens ou encore la perte de rayonnement international. Parmi eux, je veux évoquer pour terminer celui politiquement correct de plus en plus envahissant et la chape de plomb idéologique dans de nombreux domaines. Président, je mettrai donc un point d’honneur à défendre la déontologie, la liberté académique et la diversité d’opinions dans l’enseignement supérieur face à la censure et à la pression idéologique.